Une publication parue cet été revient sur la contribution du projet européen ZIKAlliance, lancé en 2016 à la suite de l’épidémie de Zika survenue dans les îles du Pacifique et en Amérique. Une analyse de la compétence de vecteurs potentiels a été réalisée, la plus exhaustive jamais réalisée à ce jour sur la compétence vectorielle, en utilisant des protocoles identiques. Cette étude rappelle que les maladies à transmission vectorielle sont bien sur la liste des pandémies de demain.
Le virus Zika (ZIKV) a été découvert en 1947 lors d’une enquête sur la fièvre jaune menée dans la forêt Zika près de Entebbe en Ouganda. Ce virus a resurgi dans l’actualité 70 ans plus tard avec des épidémies majeures dans les îles du Pacifique puis en Amérique. En 2015, les premiers cas sont diagnostiqués au Brésil. L’infection (voir fiche maladie) est généralement asymptomatique et les symptômes sont bénins : fièvre modérée, rash cutané, conjonctivites et myalgies. De façon plus inquiétante, des complications neurologiques ont été observées lors de cette dernière épidémie, en particulier des cas de microcéphalies chez des nouveau-nés et de syndromes de type Guillain-Barré. L’ampleur de l’épidémie a incité l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2016 à déclarer Zika comme « urgence de santé publique de portée internationale ». L’Union européenne a réagi très rapidement en mettant en place des appels à projets sur Zika. C’est ainsi que le projet ZIKAlliance a démarré en 2016 rassemblant 54 partenaires du monde entier et issus de diverses disciplines.
Le virus Zika est un arbovirus qui nécessite, dans la plupart des cas, l’intervention d’un moustique pour assurer la transmission d’homme à homme. En l’absence de vaccins et de traitements spécifiques, le moustique reste donc la cible de la lutte contre le Zika.
Une analyse globale de la compétence vectorielle de vecteurs potentiels (Aedes aegypti, Aedes albopictus, Aedes japonicus, Culex pipiens pipiens, Culex pipiens molestus et Culex quinquefasciatus) a été réalisée pour évaluer le risque épidémique lié au ZIKV. Les chercheurs ont ainsi déterminé la compétence vectorielle de 50 populations de moustiques provenant de 15 localités et de 12 pays (Brésil, Cambodge, Cameroun, Congo, Cuba, France, Gabon, Guadeloupe, Haïti, La Réunion, Madère, Pays-Bas, Nouvelle-Calédonie, Espagne, et Suisse). Ces moustiques ont été infectés artificiellement avec différents génotypes du ZIKV (Afrique de l'Ouest, Asie, Amérique). Les protocoles expérimentaux ont été, au préalable, standardisés afin de permettre aux différentes équipes impliquées de réaliser les infections dans les mêmes conditions et de permettre des comparaisons inter sites.
Il s'agit de l'étude la plus exhaustive jamais réalisée à ce jour sur la compétence vectorielle en utilisant des protocoles identiques. Les résultats confirment que :
- les moustiques Ae. aegypti sont fortement compétents pour transmettre les différents génotypes du ZIKV et plus spécifiquement, le génotype africain,
- d'autres espèces de moustiques comme Ae. albopictus ou Ae. japonicus peuvent jouer un rôle secondaire dans la transmission,
- et enfin les moustiques Culex sont réfractaires à l’infection par le ZIKV.
Les moustiques du genre Aedes sont des espèces invasives dont la distribution va en s’accroissant mettant à risque de nombreuses régions géographiques de subir une nouvelle épidémie de Zika. Après la dengue et le chikungunya, le Zika nous rappelle que les maladies à transmission vectorielle sont bien sur la liste des pandémies de demain.
Source
Zika vector competence data reveals risks of outbreaks: the contribution of the European ZIKAlliance project, Nature Communications, 2 août 2022
Thomas Obadia1,17, Gladys Gutierrez-Bugallo2,7, Veasna Duong3, Ana I. Nuñez4, Rosilainy S. Fernandes5, Basile Kamgang6, Liza Hery7, Yann Gomard8, Sandra R. Abbo9, Davy Jiolle10, Uros Glavinic11, Myrielle Dupont-Rouzeyrol12, Célestine M. Atyame8, Nicolas Pocquet13, Sébastien Boyer14, Catherine Dauga15, Marie Vazeille15, André Yébakima16, Michael T. White17, Constantianus J. M. Koenraadt18, Patrick Mavingui8, Anubis Vega-Rua7, Eva Veronesi11, Gorben P. Pijlman9, Christophe Paupy10, Núria Busquets4, Ricardo Lourenço-de-Oliveira5, Xavier De Lamballerie19, Anna-Bella Failloux15*
1Institut Pasteur, Université Paris Cité, Bioinformatics and Biostatistics Hub, F-75015 Paris, France
2Department of Vector Control, Center for Research, Diagnostic, and Reference, Institute of Tropical Medicine Pedro Kouri, Havana, Cuba
3Institut Pasteur du Cambodge, Virology Unit, Cambodia
4IRTA, Centre de Recerca en Sanitat Animal (CReSA, IRTA-UAB), Campus de la Universitat Autònoma de Barcelona, 08193 Bellaterra, Spain
5Laboratorio de Mosquitos Transmissores de Hematozoarios, Instituto Oswaldo Cruz, Fiocruz, Rio de Janeiro, RJ, Brazil
6Centre for Research in Infectious Diseases, Department of Medical Entomology, Yaoundé, Cameroon
7Institut Pasteur of Guadeloupe, Laboratory of Vector Control research, Unit Transmission Reservoir and Pathogens Diversity, Les Abymes, Guadeloupe
8UMR PIMIT (Processus Infectieux en Milieu Insulaire Tropical), Sainte-Clotilde, La Réunion
9Laboratory of Virology, Wageningen University, Wageningen, The Netherlands
10IRD, MIVEGEC, University of Montpellier, IRD, CNRS, Montpellier, France
11National Centre for Vector Entomology, Institute of Parasitology, Vetsuisse Faculty, University of Zürich, Zürich, Switzerland
12Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie, URE Dengue et Arboviroses, Nouméa, Nouvelle-Calédonie
13Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie, URE Entomologie Médicale, Nouméa, Nouvelle-Calédonie
14Institut Pasteur du Cambodge, Medical Entomology Unit, Cambodia
15Institut Pasteur, Université Paris Cité, Arboviruses and Insect Vectors, F-75015 Paris, France
16VECCOTRA, Rivière Salée, Martinique
17Institut Pasteur, Université Paris Cité, G5 Infectious Disease Epidemiology and Analytics, F-75015 Paris, France
18Laboratory of Entomology, Wageningen University & Research, Wageningen, the Netherlands
19Unité des Virus Emergents (UVE), Aix Marseille Université, IHU Méditerranée Infection, Marseille, France
*Corresponding author. Email: anna-bella.failloux@pasteur.fr
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