Comme ne cesse de le rappeler l’Organisation mondiale de la santé, la résistance aux antibiotiques est une menace croissante, et désormais alarmante, pour la santé mondiale. Le recours aux bactériophages par la phagothérapie revient sur le devant de la scène comme une des voies les plus avérées, prometteuses et durables pour l’avenir.
Toute personne, à n’importe quel âge et dans n’importe quel pays, peut aujourd’hui être exposée au risque d’un traitement traditionnel inefficace contre une infection bactérienne, même banale. Un phénomène qui s’accélère, autant chez l’homme que chez l’animal, parce que tout simplement la résistance aux antibiotiques est un phénomène naturel mais également en raison du mauvais usage des médicaments. Un risque en outre grandissant avec le développement du nombre des infections et la difficulté croissante et récurrente à les traiter, ce qui entraîne une prolongation des hospitalisations, une augmentation des dépenses médicales et une hausse de la mortalité. Développer le recours à des alternatives thérapeutiques est donc aujourd’hui reconnu comme une urgence sanitaire mondiale de premier plan. Le recours (et le retour) aux bactériophages par la phagothérapie est sans doute une des voies les plus avérées, prometteuses et durables. À la lumière des connaissances accumulées depuis un siècle et à l’aune d’une approche médicale et scientifique rigoureuse, mais aussi à travers la médiatisation de plus en plus fréquente de résultats spectaculaires obtenus, la réévaluation de la phagothérapie est désormais inscrite à l’agenda.
Un siècle d’études scientifiques sur les bactériophages
L’étude des bactériophages et de leurs interactions avec les bactéries a débuté il y a un siècle par la reconnaissance de leur action bactéricide, guidant Félix d’Hérelle vers une application en médecine humaine bien avant la découverte des antibiotiques. Mais c’est surtout lorsqu’ils ont été choisis comme objets d’études pour appréhender les mécanismes fondamentaux de la vie cellulaire que les bactériophages ont permis des découvertes majeures, dont les acteurs ont été, et sont encore, récompensés par plusieurs prix Nobel. Des mécanismes moléculaires de la réplication de ces virus
(assemblage macromoléculaires, régulation de l’expression des gènes viraux) aux défenses bactériennes mise en place pour les contrecarrer (systèmes de restriction modification et Crispr-Cas9), l’étude des bactériophages, par des approches multidisciplinaires, a provoqué de véritables ruptures dans l’avancée des connaissances sur le vivant.
Les bactériophages constituent aussi un modèle biologique fascinant en écologie et en évolution. Ce modèle permet notamment de mieux comprendre l’émergence et l’évolution des pathogènes.
Les bactériophages : un intérêt appliqué majeur
Dès leur découverte, c’est leur potentiel thérapeutique qui a promu les bactériophages sur le devant de la scène en permettant de traiter des infections bactériennes. Puis, au fil de l’avancée des connaissances, c’est leur rôle dans les processus de fermentation de l’industrie agroalimentaire (industries laitière et viticole) qui ont été mieux compris afin de réduire les pertes et mieux maitriser les procédés. Aujourd’hui, leur utilisation en médecine est à nouveau considérée pour lutter contre les bactéries pathogènes devenues de plus en plus résistantes aux antibiotiques et pour lesquelles des solutions durables peinent à émerger. Cette application permet d’envisager la limitation des antimicrobiens chimiques et donc la pollution des sols et des nappes phréatiques et de fait favorisera la protection de la biodiversité.
Le rôle écosystémique des bactériophages sur Terre
Les mesures prises pour protéger les humains des microbes ont occulté durablement, dans le champ de la santé publique, les relations écosystémiques complexes entre organismes et environnements. Les bactériophages étant des régulateurs clés des communautés microbiennes naturelles avec lesquelles les humains doivent interagir à tout moment, ils nous obligent à repenser nos relations
vis à vis de ces virus, dont en premier lieu la connotation négative attachée à cette dénomination. L’utilisation des bactériophages en médecine engage aussi d’autres représentations du soin et des organismes, dans lesquelles la santé n’apparaît plus tant comme l’exclusion et l’annihilation de microorganismes, mais bien davantage comme la coexistence entre plusieurs espèces, humaines et microbiennes, dans un équilibre dynamique.
Le Réseau Bactériophage France, interdisciplinaire
Le Réseau Bactériophage France a pour but de promouvoir, coordonner et intégrer les études sur les bactériophages à travers différentes disciplines scientifiques, tout en favorisant l’établissement de collaborations et synergies entre les équipes concernées. Le réseau initié par Laurent Debarbieux (Institut Pasteur, Paris) est soutenu depuis 2016 par le CNRS et depuis 2017 par l’Inra.
Les Instituts INSB et INEE du CNRS se sont notamment associés pour former un Réseau Thématique Prioritaire. En France, une trentaine d’équipes utilisent les bactériophages comme sujet d’étude ou comme outils pour développer des applications. Le réseau permet à cette communauté de scientifiques de partager leurs expertises respectives souvent attachées à des thèmes distincts et spécifiques. Les approches développées par ces chercheurs sont souvent complémentaires et leur rencontre au sein du réseau démultiplie les opportunités de créer de nouvelles synergies. L’animation du réseau a permis de fédérer une communauté qui est devenu un acteur majeur dans le paysage scientifique français et au-delà.
Le bureau du Réseau Bactériophage France est composé des personnalités scientifiques et médicales suivantes :
- Mireille Ansaldi, Directrice de Recherches au CNRS, Marseille ;
- Pascale Boulanger, Directrice de Recherches au CNRS, Gif-sur-Yvette ;
- Charlotte Brives, Chargée de Recherches au CNRS, Bordeaux ;
- Laurent Debarbieux, Directeur de Recherches à l’Institut Pasteur, Paris ;
- Alain Dublanchet, médecin-biologiste honoraire des hôpitaux, Vincennes ;
- Rémy Froissart, Chargé de Recherches au CNRS, Montpellier ;
- Sylvain Gandon, Directeur de Recherches au CNRS, Montpellier ;
- Claire Le Hénaff, Professeure de Microbiologie, Institut Polytechnique de Bordeaux (ENSCBP) ;
- Marie-Agnès Petit, Directrice de Recherches à l’INRA, Jouy-en-Josas ;
- Eduardo Rocha, Directeur de Recherches au CNRS, Institut Pasteur, Paris ;
- Clara Torres-Barceló, Chargée de Recherches à l’INRA, Avignon.