Une étude à grande échelle, menée par l’Institut Pasteur pendant dix ans auprès de mille personnes, apporte un éclairage inédit sur les hormones stéroïdiennes. Ces molécules, qui jouent un rôle crucial sur la santé, varient au fil du temps selon le sexe et les habitudes de vie, parfois de manière importante. Les résultats de ces travaux viennent de paraître dans Science Advances.
Il y a les corticoïdes, comme la cortisone. Ou les hormones sexuelles : progestogènes, oestrogènes, androgènes… Tous appartiennent à la grande famille des hormones stéroïdiennes, ou stéroïdes. Leur rôle, crucial pour notre santé, est bien connu : ils régulent le métabolisme, le système immunitaire, le développement et le maintien des caractères sexuels et du système reproductif, ou encore la résistance au stress.
Or, le taux des stéroïdes peut fortement varier en fonction de la génétique, du sexe et des moments de vie… Jusqu’à présent, ce sujet avait été peu exploré par la recherche scientifique : quand ces niveaux hormonaux peuvent-ils grimper, ou baisser, et dans quelles proportions ?
Les taux de 17 hormones étudiés
Pour combler cette lacune, deux équipes de l’Institut Pasteur ont mené une étude longitudinale, auprès des mêmes individus, sur dix ans. Elle a été dirigée par deux Pasteuriens : Darragh Duffy, responsable de l’unité Immunologie translationnelle et Molly Ingersoll, directrice de l’unité mixte (avec l’Institut Cochin) Inflammation et immunité des muqueuses.
Près de mille personnes en bonne santé, âgées de 20 à 69 ans, ont été recrutées dans la cohorte Milieu Intérieur. La moitié sont des femmes, l’autre moitié de hommes. Des analyses sanguines par spectrométrie de masse ont permis d’évaluer leurs changements hormonaux sur 17 stéroïdes. C’est la première étude à analyser un si grand nombre d’hormones dans une large population en bonne santé.
La contraception orale et l’influence du tabagisme a un effet notable
Principal enseignement de la publication, parue en mars 2025 (1) : quasiment tous les stéroïdes voient leur niveau varier avec la génétique, l’âge et le sexe des individus. Mais ils sont aussi associés à de nombreux autres facteurs, liés aux habitudes de vie.
Chez les femmes, le facteur clé concerne la contraception orale : la pilule a en effet un impact significatif sur 12 hormones stéroïdiennes. « Les femmes sous contraception orale affichent des taux d’œstrogènes, androgènes et progestogènes très bas, plus bas que chez les femmes ménopausées, » précise Molly Ingersoll.
Et les hormones sexuelles ne sont pas les seules concernées : plusieurs corticoïdes se trouvent à des niveaux beaucoup plus élevés chez les femmes sous pilule.
Ainsi, le tabagisme impacte le taux de nombreux stéroïdes chez les hommes. Chez ces derniers, on note également une association entre la diminution d’androgènes (telle la testostérone) et diverses pathologies, au fil de l’avancée en âge. « Cela suggère que ces hormones pourraient jouer un rôle dans le développement de certaines maladies », éclaire Darragh Duffy.
L’importance du mode de vie
L'impact des choix de mode de vie sur l'équilibre hormonal va plus loin. « Des associations inattendues sont ressorties de l’étude, comme l’association entre la consommation de fast-food et les niveaux de cortisone et de cortisol» détaille Léa Deltourbe, doctorante dans l'équipe de Molly Ingersoll, et l'un des trois premiers auteurs de l'étude, avec Elizabeth Maloney (doctorante) et Jamie Sugrue (post-doctant), tous deux dans l'équipe de Darragh Duffy.
Toutes ces données constituent une base de référence pour comprendre les variations hormonales normales et leurs implications pour la santé. « Elles soulignent l’importance d’adapter les traitements des pathologies hormonales au sexe, à l’âge des individus, comme aux comportements, tels que ceux liés au genre, » concluent les chercheurs.
L’équipe prévoit déjà d'explorer l'étude les liens entre variations hormonales et développement de pathologies.
(1) Steroid hormone levels vary with sex, aging, lifestyle, and genetics, Science Advances, 28 mars 2025.