Roland Brosch, dans l'unité de Génétique Moléculaire Bactérienne de l'Institut Pasteur dirigée par Stewart Cole, a mené d'importants travaux sur le bacille de la tuberculose ces dernières années et cherche aujourd'hui à mettre au point une nouvelle formule du BCG, en vue d'augmenter l'efficacité du vaccin. Il est lauréat du prix Georges, Jacques et Elias Canetti, d'un montant de 10 000 euros, créé l'an dernier pour récompenser des chercheurs de l'Institut Pasteur travaillant sur la tuberculose. Ce prix sera remis le 26 mars 2007, à l'occasion de la Journée Mondiale de la Tuberculose (24 mars).
Communiqué de presse
Paris, le 12 mars 2007
Environ 6000 nouveaux cas par an en France, un tiers de la population mondiale infectée, 2 millions de morts et 8,5 millions de nouveaux cas chaque année dans le monde : la tuberculose est la deuxième maladie infectieuse après le sida, de par le nombre de nouveaux cas.
Il existe un traitement efficace contre cette infection, une association de quatre antibiotiques. Mais il s’agit d’un traitement lourd, qui doit être suivi au minimum pendant 6 mois. De plus, la résistance aux antituberculeux et l’émergence de multirésistances apparaît préoccupante, risquant de mettre en échec ce traitement dans plusieurs régions du monde. Il apparaît aujourd’hui crucial de rechercher de nouvelles thérapeutiques contre la tuberculose et de mettre au point un vaccin plus efficace que le BCG (le bacille de Calmette et Guérin, obtenu par ces deux chercheurs pasteuriens en 1921). En effet, si le BCG reste très utile pour prévenir les formes graves de tuberculose chez l’enfant, il ne protège l’adulte que dans un cas sur deux.
Les recherches menées par Roland Brosch visent précisément à mettre au point un vaccin plus protecteur que l’actuel BCG.
Roland Brosch a tout d’abord participé au projet de séquençage du génome du bacille de la tuberculose Mycobacterium tuberculosis, - quelque 4000 gènes - réalisé en 1998 par l’Institut Pasteur et le Sanger Centre au Royaume-Uni sous la direction de Stewart Cole. Une étape-clé dont découlent ses travaux actuels et ceux de nombreuses équipes dans le monde.
Il a ensuite travaillé à retracer l’histoire évolutive de M. tuberculosis, et ses travaux ont écarté l’hypothèse courante selon laquelle Mycobacterium bovis, l’agent de la tuberculose bovine, était l’ancêtre de M. tuberculosis. Mycobacterium canetti, une variante très rare isolée pour la première fois en 1969 par Georges Canetti, s’avère être bien plus proche de l’ancêtre de M. tuberculosis.
Parallèlement, en comparant notamment la souche vaccinale - le BCG -, avec M. bovis et M. tuberculosis, il a été démontré qu’une région nommée RD1, présente chez les deux agents infectieux mais absente chez la souche vaccinale atténuée, était impliquée dans la virulence. Les chercheurs ont ensuite observé que s’ils construisaient un BCG "recombinant", en replaçant RD1 dans le génome du BCG, la protection obtenue était augmentée. Toute la difficulté aujourd’hui est de construire un BCG recombinant dont le pouvoir protecteur augmente sans que la virulence ne soit accrue. Les chercheurs pour cela visent à obtenir différents variants de RD1, par mutations génétiques.
Roland Brosch et son équipe tiennent donc là une piste de premier choix pour obtenir un vaccin plus performant que l’actuel BCG.
Le prix Georges, Jacques et Elias Canetti a été créé en 2006 pour soutenir chaque année pendant cinq ans les efforts de chercheurs pasteuriens dans le domaine de la tuberculose, en hommage aux travaux du professeur Georges Canetti et en souvenir du destin exceptionnel des trois frères (voir annexe). Le professeur Georges Canetti, grand spécialiste de la tuberculose, a été chercheur à l’Institut Pasteur. Ce prix est le fruit de la donation à l’Institut Pasteur des correspondances entre Georges, Elias et Véza Canetti entre 1937 et 1952.
Fondation de recherche privée a but non lucratif, l’Institut Pasteur a pour mission de contribuer à la prévention et à la lutte contre les maladies, en France et dans le monde, par la recherche scientifique et médicale, l’enseignement et des actions de santé publique. Près de 2700 personnes travaillent sur son campus à Paris, où une grande partie des recherches est consacrée aux maladies infectieuses. Dans le monde, 30 Instituts Pasteur sont implantés sur les cinq continents, réunissant 9500 personnes.
Contact presse
Nadine Peyrolo - tél : 01 45 68 81 47 - npeyrolo@pasteur.fr
Les frères Canetti
Nés en Bulgarie, dans une famille juive sépharade, Elias (1905), Nissim-Jacques (1909) et Georges (1911) vont chacun à leur manière marquer leur siècle par leur apport à la littérature, la culture ou la science. En 1911, leurs parents Jacques Canetti et son épouse Mathilde, née Arditi, quittent Roustchouk en Bulgarie pour s’installer à Vienne puis à Manchester en Angleterre. Lorsque le père meurt en octobre 1912, terrassé par une crise cardiaque, Mathilde, qui n’a que 28 ans, décide de quitter la Grande-Bretagne, avec le souhait de voir ses fils maîtriser la langue allemande. De 1913 à 1926, les trois frères Canetti vont séjourner à Vienne, Zurich, Lausanne, Francfort, Munich. Mais la montée du nazisme décide Mathilde à s’installer avec Jacques et Georges, en France, à Paris, où elle arrive en 1926. Elias reste à Vienne, où il entreprend des études de chimie, couronnées par un doctorat en 1929. Après ses études secondaires, Georges rejoint son frère Elias, et débute sa médecine. Il revient définitivement en France, en 1931, pour entrer à l’Institut Pasteur en 1936. Jacques, resté à Paris, fait ses études à HEC, avant d’entrer chez Polydor, en 1932. Mathilde meurt de la tuberculose en 1937.
Elias Canetti - écrivain, Prix Nobel de Littérature - Il écrit sa première œuvre à Vienne, en 1931 : " Die Blendung ". En 1932, il fait paraître une pièce de théâtre : " Noce ", puis " Auto-da-fé ". Il fréquente nombre d’intellectuels et d’artistes, comme Babel, Bertold Brecht, Karl Kraus, Alban Berg, Robert Musil. En 1938, après la Nuit de cristal, il quitte l’Allemagne, avec Veza, sa première épouse, pour se réfugier en Angleterre. Il y reste un auteur confidentiel et ne publie quasiment rien, se consacrant exclusivement, dès 1942, à la rédaction de l’œuvre de sa vie : " Masse et puissance ". La publication de l’ouvrage, en 1960, suivie de la réédition de " Auto-da-fé ", en 1963, marque sa rencontre avec un large public, en Allemagne comme dans le monde. De 1977 à 1985, il fait paraître sa trilogie autobiographique, dont le premier tome, " La langue sauvée ", est dédié à son frère, Georges. Il reçoit le prix Nobel de littérature, en 1981. Il est à mort à Zurich, en 1994.
Jacques Canetti - producteur de disques et directeur du Théâtre des Trois Baudets - Tout en continuant sa carrière chez Polydor, il anime la première émission radiophonique de jazz hot en France et fait venir pour la première fois en France des jazzmen américains, comme Louis Armstrong. Directeur artistique de "Radio Cité" aux côtés de Marcel Bleustein-Blanchet, il invente de nombreuses émissions comme " Le Crochet " ou " Le Music-hall des jeunes " qui révèlent notamment Edith Piaf et Charles Trénet. Adversaire résolu du nazisme, il organise, sous un nom d’emprunt, les tournées en zone libre de Françoise Rosay, puis, en 1942, gagne l’Afrique du nord où il crée le Théâtre des Trois Anes à Alger. La Libération venue, il regagne Paris. De 1947 à 1962, Jacques Canetti dirige au cœur de Montmartre le "Théâtre des 3 Baudets’’ et prend la direction artistique de Polydor, puis de Philips où il crée l’un des plus beaux catalogues de disques, en soutenant avec obstination : Georges Brassens, Jacques Brel, Guy Béart, Félix Leclerc, Francis Lemarque, Serge Gainsbourg, Henri Salvador, Boris Vian, Raymond Devos, Fernand Raynaud, Anne Sylvestre, Pierre Dac et Francis Blanche, Juliette Gréco, Catherine Sauvage, Claude Nougaro... En 1962, il fonde le premier label de disques indépendant " Les Productions Jacques Canetti " où il produit les premiers albums de Jeanne Moreau, Serge Reggiani, Brigitte Fontaine, Jacques Higelin et les enregistrements "live" de Cora Vaucaire, Simone Signoret, Michel Simon... Il est décédé en 1997.
Georges Canetti - chercheur à l’Institut Pasteur - Après avoir suivi le cours de l’Institut Pasteur, il reste à l’Institut comme travailleur bénévole. Il y gravit tous les échelons jusqu’à celui de professeur et vice-président du conseil d’administration, développant son œuvre de chercheur entièrement consacrée à la tuberculose, maladie dont il est lui-même atteint. C’est d’abord en 1939 sa thèse de doctorat en médecine sur "Les réinfections tuberculeuses latentes du poumon", en 1947 les deux mémoires publiés dans les "Monographies de l’Institut Pasteur" : "Le bacille de Koch dans la lésion tuberculeuse du poumon" et "L’allergie tuberculeuse chez l’homme", puis en 1954 : "Primo-infection et réinfection dans la tuberculose pulmonaire". En 1960 il met au point une méthode d’antibiogramme toujours utilisée et établit la base rationnelle du traitement de la tuberculose. En 1962, il crée, avec Jean Thibier le Centre français d’études sur la résistance primaire en tuberculose dont il devient le directeur. Cet ensemble de travaux lui vaut la reconnaissance de ses pairs : lauréat de l’Académie nationale de médecine pour le prix Péan en 1940, et le prix Ricaux (tuberculose) en 1947 ; Chevalier de la Légion d’honneur en 1954. Il exerce aussi d’importantes responsabilités au sein du Comité national de défense contre la tuberculose, de l’Union internationale contre la tuberculose et de l’Organisation Mondiale de la Santé. Respecté pour son talent de chercheur dans le monde médical, il a su également tisser des amitiés durables dans les domaines de la littérature et de la philosophie, comme avec Sylvain Contou et Roland Barthes. Il est décédé à Vence, en 1971.