Comprendre les mécanismes de réplication du VIH dans l’organisme est primordial pour mieux cibler les traitements. L’étude des macrophages est en particulier essentielle car ces cellules immunitaires sont le premier mécanisme de défense cellulaire contre les agents infectieux et le VIH s’y accumule silencieusement y compris chez les personnes traitées, faisant des macrophages un réservoir de ce virus. Des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS montrent qu’une des étapes de la réplication du VIH peut se dérouler directement dans le noyau des macrophages. Cette découverte revisite les connaissances scientifiques et ouvre la voie à de nouvelles cibles thérapeutiques.
Le VIH est le virus responsable du sida, découvert par des chercheurs pasteuriens en 1983 (découverte récompensée en 2008 par le prix Nobel de médecine, décerné à Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier). Cette maladie reste une des causes principales de décès dans le monde pour les adolescents et les femmes en âge de procréation. Le nombre de nouvelles infections augmente actuellement en Europe de l’Est et, en France, on déplore encore environ 6000 nouvelles contaminations par an. Comprendre les mécanismes de réplication du VIH dans l’organisme est primordial pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques.
La rétrotranscription du VIH, un mécanisme encore mal connu
Le VIH est un rétrovirus. Une fois dans l’organisme, de l’ADN est produit dans la cellule hôte à partir de l’ARN du virus : ce phénomène s’appelle la rétrotranscription ; une des particularités des rétrovirus. Concernant le VIH, il reste encore à élucider où et de quelle manière cette rétrotranscription a lieu. Jusqu’à maintenant, la théorie la plus répandue était que ce phénomène se déroule uniquement dans le cytoplasme cellulaire et que la rétrotranscription totale de l’ARN en ADN est nécessaire pour qu’il soit importé dans le noyau. « Cette rétrotranscription a été la cible de nombreux médicaments avec lesquels on pensait jusqu’à présent cibler une étape de réplication du VIH bien délimitée et circonscrite au cytoplasme des cellules hôtes. De manière surprenante, nous avons remarqué qu'il y avait une abondance d'ARN génomique dans des niches du noyau des macrophages, nous avons donc étudié le rôle de l'ARN génomique nucléaire à l'aide de la virologie moléculaire et des notions récentes sur l'import nucléaire du VIH », souligne Francesca Di Nunzio, chef de groupe de l’unité virologie moléculaire et vaccinologie à l’Institut Pasteur.
La rétrotranscription peut avoir lieu dans le noyau des cellules
Francesca Di Nunzio et Christophe Zimmer, responsable de l’unité imagerie et modélisation à l’Institut Pasteur, ont étudié la réplication du VIH dans les macrophages, ces cellules immunitaires qui constituent le premier mécanisme de défense cellulaire contre les agents infectieux et qui font partie du réservoir du virus VIH. En effet, « l’ADN du virus est intégré à celui de la cellule, expliquent les chercheurs. Stimuler les macrophages réactive la production du virus infectieux. Ce réservoir constitue donc un obstacle pour un traitement efficace et étudier les macrophages est important pour comprendre la biologie du virus VIH et mieux cibler les traitements. »
Leurs travaux remettent en cause la théorie selon laquelle la rétrotranscription aurait uniquement lieu dans le cytoplasme des cellules hôtes. « Grâce à des techniques d’imagerie, nous avons revisité le cycle de réplication du VIH dans les macrophages, précise Christophe Zimmer. Nous démontrons ainsi que, dans ces cellules, l'ARN génomique du virus pénètre dans le noyau, s’accumule dans des niches associées à des facteurs d'épissage, où il peut être rétrotranscrit en ADN viral. »
Cette découverte ouvre la voie à une meilleure compréhension de la rétrotranscription du VIH, ce qui pourrait permettre de développer des médicaments plus efficaces.
Cette étude a été financée par l’ANRS, FRM, Sidaction et l’Institut Pasteur.
Source :
Clustering and reverse transcription of HIV-genomes in nuclear niches of macrophages, EMBO Journal, 3 décembre 2020
Elena Rensen1,2, Florian Mueller1, Viviana Scoca2, Jyotsana J Parmar1, Philippe Souque2, Christophe Zimmer1, & Francesca Di Nunzio2
1Imaging and Modeling Unit, Institut Pasteur, UMR3691CNRS, C3BI USR3756IP CNRS, Paris, France
2Molecular Virology and Vaccinology, Institut Pasteur, Paris, France
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.