Les bactéries sont soumises en permanence aux attaques de virus connus sous le nom de bactériophages ou phages, qui sont les organismes les plus abondants sur terre. Elles ont développé tout un arsenal de défenses contre les phages, comme les systèmes CRISPR, dont la découverte récente donne actuellement lieu à une explosion de nouvelles applications, notamment dans le domaine de l’édition du génome (thérapie génique). Les chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS viennent de découvrir un nouveau système permettant aux staphylocoques de se défendre contre les phages. Ces travaux sont publiés dans Cell Host and Microbes, le 22 septembre 2016.
C’est en étudiant la manière dont la bactérie Staphylococcus epidermidis utilise les CRISPR pour combattre les phages que les chercheurs du laboratoire de Biologie de synthèse, dirigé par David Bikard à l’Institut Pasteur, en collaboration avec l’Institut de Chimie et Biochimie Moléculaires et Supramoléculaires (Université de Lyon / CNRS), ont fait une découverte inattendue : pour détruire ces phages, les bactéries peuvent activer, en plus du système CRISPR, un autre mécanisme de défense jamais observé auparavant.
Dans cette étude, ils ont identifié le gène pacK du phage comme élément déclencheur de ce nouveau mécanisme. Ce gène est reconnu par la bactérie et active en son sein une enzyme, la kinase Stk2. Cette kinase, dont l’action était inconnue jusqu’à présent chez les bactéries, provoque une cascade de phosphorylation qui va agir sur plusieurs fonctions vitales de la bactérie. Ce système a la particularité de conduire jusqu’au suicide de la bactérie infectée. Ainsi, en s’autodétruisant, la première bactérie atteinte par un phage empêche celui-ci de se reproduire et par conséquent, bloque la propagation du phage aux bactéries voisines.
La présence de kinases semblables à Stk2 chez de nombreuses bactéries laisse à penser que ce mécanisme de défense devrait exister également chez ces organismes. Mieux comprendre comment ce système déclenche la mort des bactéries pourrait à l'avenir conduire à de nouvelles stratégies antimicrobiennes. Par ailleurs, cette découverte a des conséquences pour la phagothérapie, une stratégie thérapeutique qui repose sur l’utilisation des phages pour soigner des infections bactériennes, et qui connait un regain d’intérêt face à la résistance aux antibiotiques. Une meilleure compréhension de la résistance des bactéries aux phages est en effet primordiale pour la conception de phagothérapies efficaces.
Source
A eukaryotic-like Serine/Threonine kinase protects Staphylococci against viruses, Cell Host and Microbes, 22 septembre 2016
Florence Depardieu (1), Jean-Philippe Didier (2), Aude Bernheim (3, 1), Andrew Sherlock (4), Henrik Molina (5), Bertrand Duclos (2) and David Bikard (1)
1. Synthetic Biology Group, Microbiology Department, Institut Pasteur, Paris, 75015, France.
2. Institute of Molecular and Supramolecular Chemistry and Biochemistry, University of Lyon-CNRS, Villeurbanne, 69100
3. AgroParisTech, Paris, 75005, France.
4. Laboratory of Bacteriology, The Rockefeller University, New York, NY 10065, USA.
5. Proteomics Resource Center, The Rockefeller University, New York, NY 10065, USA.
Mis à jour le 23/09/2016