En décembre 2015, une épidémie de fièvre jaune est détectée en Angola. Pour endiguer cette flambée à l’origine de 7300 cas suspects et près de 400 décès, des chercheurs de l’Université d’Oxford et de l’Institut Pasteur ont cherché à comprendre la propagation géographique de cette épidémie, afin d’optimiser l’utilisation du stock limité de vaccins disponibles.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en date du 16 novembre 2016, la flambée de fièvre jaune, « détectée tout d’abord en Angola en décembre 2015, avait provoqué 962 cas confirmés de fièvre jaune en Angola et République démocratique du Congo, et plus de 7300 cas suspects. » Le dernier cas confirmé en Angola a été enregistré le 23 juin et, en RDC, le 12 juillet.
En pleine épidémie, des chercheurs ont analysé de nombreuses données sur cette flambée afin d’en comprendre la propagation géographique et d’en tirer des enseignements pour cibler les lieux où distribuer des vaccins, dans un contexte de stocks limités. Il s’agit de l’équipe de Moritz Kraemer, du département de zoologie de l’université d’Oxford (Royaume-Uni), et celle de Simon Cauchemez, de l’unité de Modélisation mathématique des maladies infectieuses, à l’Institut Pasteur (Paris).
« Nous avons creusé la réflexion sur la façon d’utiliser les outils de modélisation pour répondre aux maladies émergentes, explique Moritz Kraemer. Nous avons analysé des ensembles de données décrivant l'épidémie de fièvre jaune, la présence des moustiques vecteurs de la maladie, la démographie humaine et la mobilité de la population… »
Une première partie de l’étude a ainsi consisté à savoir si la propagation de la maladie avait une structure, pour savoir s’il était envisageable de prédire la propagation du virus de la fièvre jaune. Les auteurs ont déterminé une structure claire : la propagation du virus a cru de façon exponentielle dans le temps et s’est étendue très vite autour de Luanda, la capitale de l’Angola. « L’invasion était notamment corrélée avec une densité de population élevée », souligne Simon Cauchemez.
Deuxième étape, « nous avons alors pu utiliser cette compréhension du processus de propagation de la fièvre jaune pour déduire le risque d’infection dans les différents districts des pays concernés, poursuit le chercheur. Nous avons ainsi pu distinguer les districts qui présentaient davantage de risque d’infection de ceux qui en présentaient moins. »
Cette étude franco-britannique tente de donner un cadre relativement objectif et reproductible pour pouvoir définir, à l’avenir, les priorités d’action dans les lieux les plus à risque. « Ce type d’outils de modélisation s’inclut bien entendu dans un dispositif plus global d’observations épidémiologiques sur le terrain », insiste Simon Cauchemez.
L’OMS rappelle que les principaux éléments de lutte contre la fièvre jaune sont « la vaccination préventive, un développement de la réserve mondiale de vaccins pour les ripostes et l’appui à une plus grande préparation dans les pays les plus exposés. » Un constat qui montre l’importance de l’étude de Moritz Kraemer et Simon Cauchemez pour estimer les zones qui pourraient être prioritaires pour la vaccination.
Source
Spread of yellow fever virus outbreak in Angola and the Democratic Republic of the Congo 2015–16: a modelling study, Lancet Infect Dis, 22 décembre 2016.
Moritz U G Kraemer, DPhil a, Nuno R Faria, PhD a, Robert C Reiner Jr, PhD b, Nick Golding, DPhil c, d, Birgit Nikolay, PhD e, f, Stephanie Stasse, MD g, Michael A Johansson, PhD h, i, Henrik Salje, PhD e, f, k, Ousmane Faye, PhD l, G R William Wint, PhD m, Matthias Niedrig, PhD n, Freya M Shearer, BSc c, Sarah C Hill, BA a, Robin N Thompson, PhD a, Donal Bisanzio, PhD a, Prof Nuno Taveira, PhD o, p, Heinrich H Na x, DPhil q, Bary S R Pradelski, DPhil q, Elaine O Nsoesie, PhD b, Nicholas R Murphy, MPhil r, Isaac I Bogoch, MD s, Kamran Khan, MD t, Prof John S Brownstein, PhD j, Prof Andrew J Tatem, PhD u, v, Tulio de Oliveira, PhD w, Prof David L Smith, PhD a, b, x, Amadou A Sall, PhD l, Prof Oliver G Pybus, DPhil a, Prof Simon I Hay, DSc b, c, Simon Cauchemez, PhD e, f
a Department of Zoology, University of Oxford, Oxford, UK
b Institute for Health Metrics and Evaluation, University of Washington, Seattle, WA, USA
c Oxford Big Data Institute, Li Ka Shing Centre for Health Information and Discovery, Oxford, UK
d School of BioSciences, University of Melbourne, Parkville, VIC, Australia
e Mathematical Modelling of Infectious Diseases and Center of Bioinformatics, Biostatistics and Integrative Biology, Institut Pasteur, Paris, France
f Centre National de la Recherche Scientifique, URA 3012, Paris, France
g Health Programme, European Commission, International Cooperation and Development, Delegation en RDC, Kinshasa, Democratic Republic of the Congo
h Centers for Disease Control and Prevention, San Juan, PR, USA
i Center for Communicable Disease Dynamics, Harvard T H Chan School of Public Health, MA, USA
j Harvard University Medical School Boston, MA, USA
k Department of Epidemiology, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, Baltimore, MD, USA
l Arbovirus and Viral Hemorrhagic Fever Unit, Institut Pasteur da Dakar, Dakar, Senegal
m Environmental Research Group Oxford, Department of Zoology, Oxford, UK
n Robert Koch Institut, Berlin, Germany
o Research Institute for Medicines (iMed.ULisboa), Faculty of Pharmacy, University of Lisbon, Portugal
p Centro de Investigacao Interdisciplinar Egas Moniz, Instituto Superior de Ciencias da Saude Egas Moniz, Caparica, Portugal
q Computational Social Science, ETH Zurich, Zurich, Switzerland
r School of Medicine, University of California San Francisco, San Francisco, CA, USA
s Divisions of General Internal Medicine and Infectious Diseases, Toronto General Hospital, University Health Network, Toronto, ON, Canada
t Li Ka Shing Knowledge Institute, St Michael's Hospital, Toronto, ON, Canada
u WorldPop, Department of Geography and Environment, University of Southampton, Southampton, UK
Flowminder Foundation, Stockholm, Sweden
w School of Laboratory Medicine and Medical Sciences, Nelson R Mandela School of Medicine, College of Health Sciences, University of KwaZulu-Natal, Durban, South Africa
x Sanaria Institute for Global Health and Tropical Medicine, Rockville, MD, USA
Mis à jour le 12/01/2017