Lors de l’événement Cap’CARNOT, qui s’est tenu le 27 juin 2019 à Paris, l’institut Carnot Pasteur MS, regroupant plusieurs départements et plateformes technologiques de l’Institut Pasteur, a présenté un dispositif permettant de suivre en temps réel le comportement de groupes de souris et de caractériser leurs interactions sociales grâce à l’intelligence artificielle.
L’événement Cap’CARNOT est organisé par l’Association des instituts Carnot pour favoriser les rencontres entre les Carnot1 et les acteurs de l’innovation dans le domaine des technologies d’intelligence artificielle pour la santé. Le jeudi 27 juin 2019, l’institut Carnot Pasteur MS y a présenté un dispositif permettant de suivre en temps réel le comportement des souris et de caractériser leurs interactions sociales grâce à l’intelligence artificielle. Cette innovation présente un intérêt majeur pour toutes les recherches où les modèles murins sont utilisés pour caractériser et comprendre le rôle de mutations ou de facteurs environnementaux dans les maladies, qu’elles soient psychiatriques ou infectieuses, ainsi que dans les essais thérapeutiques pour ces mêmes maladies. Un progrès d’autant plus important que le système est également open source et open hardware, une valeur importante de l’Institut Pasteur dans le cadre de l’open science (voir plan stratégique 2019-2023).
1. Les Carnot sont des structures de recherche publique labélisées par le ministère chargé de la recherche pour leur engagement à mener et développer une activité R&D pour l’innovation des entreprises.
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Un modèle innovant pour une étude sur l’autisme
Un nouveau dispositif, appelé Live Mouse Tracker, a été développé par Fabrice de Chaumont, chercheur au sein de l’unité d’Analyse d’images biologiques de l’Institut Pasteur dirigée par Jean-Christophe Olivo-Marin (département Biologie cellulaire et infection, Institut Pasteur, et institut Carnot Pasteur MS) et Elodie Ey, chercheuse au sein de l’unité Génétique humaine et fonctions cognitives dirigée par Thomas Bourgeron (département Neuroscience, Institut Pasteur), en collaboration avec l’équipe Neurophysiologie et comportement de Philippe Faure (Sorbonne Université).
« En utilisant un ensemble de capteurs (caméra infrarouge, capteur de profondeur, identification RFID) couplés à un programme d’apprentissage automatique, ce dispositif permet d’analyser en temps réel et sans limite de temps le comportement de groupes de souris », explique Fabrice de Chaumont. Ces souris ont été observées dans le cadre d’une étude sur l’autisme. Le Live Mouse Tracker a ainsi permis d’étudier l’impact des mutations des gènes Shank2 et Shank3 - des gènes associés à l’autisme - sur leur comportement individuel et social. « La comparaison des profils comportementaux de souris femelles invalidées pour Shank2 ou Shank3 ont révélé des niveaux d’activité distincts et différents niveaux d’anomalies lors des interactions sociales complexes », précise Elodie Ey.
En psychiatrie, il est essentiel d’évaluer le comportement social des souris dans des conditions normales ou pathologiques pour comprendre quels systèmes neuronaux sont impliqués dans la maladie. « Ce travail et les développements technologiques associés sont donc d’un intérêt majeur pour tous les domaines où l’on utilise des modèles murins pour caractériser et comprendre le rôle de mutations ou de molécules dans l’établissement ou le traitement de maladies psychiatriques », concluent Thomas Bourgeron et Jean-Christophe Olivo-Marin.
Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Nature Biomedical Engineering.
L’apprentissage automatique au cœur du dispositif
L’apprentissage automatique ou profond (en anglais machine learning, ou deep learning) est un champ d’étude de l’intelligence artificielle qui se fonde sur des approches statistiques pour donner aux ordinateurs la capacité d’« apprendre » à partir de données, c’est-à-dire d’améliorer leurs performances à résoudre des tâches sans être explicitement programmés pour chacune.
La méthode combine la vision par ordinateur, via une caméra infrarouge 3D, l’apprentissage automatique (random forest) pour l’identification des animaux et de leur posture, et l’identification par radiofréquence pour surveiller la qualité du suivi des souris. Le dispositif permet de suivre plusieurs individus avec précision, de quantifier de manière automatique plus de trente comportements individuels et sociaux et ainsi de fournir un profil phénotypique pour chaque animal. L’apprentissage automatique est utilisé à plusieurs étapes dans le dispositif : filtration des animaux de l’arrière-plan, récupération de l’identité, et orientation des animaux.
Retrouvez aussi l’interview faite en mai 2018 de Christophe Zimmer, responsable de l’unité Imagerie et modélisation à l’Institut Pasteur, à propos des réseaux de neurones artificiels profonds, ces algorithmes dotés d’une capacité d’apprentissage (deep learning), qui sont au cœur du regain d’intérêt pour l’intelligence artificielle.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies de la connectivité cérébrale et maladies neurodégénératives du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.