Dengue : nous ne sommes pas égaux face à la maladie

Communiqué de presse
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La dengue, maladie virale qui sévit dans les zones tropicales, est transmise par des moustiques. Elle touche 60 à 100 millions de personnes chaque année dans le monde. L'analyse génétique d'une grande cohorte de sujets hospitalisés pour cette maladie, en Thaïlande, a permis à des chercheurs de l'Institut Pasteur associés à ceux de l'Inserm de mettre en évidence le rôle d'un variant génétique chez les personnes atteintes de formes graves de dengue. Ces travaux, publiés dans Nature Genetics, montrent l'importance de la molécule DC-SIGN, un co-récepteur du virus de la dengue, dans la pathogenèse de cette maladie. Ils conduisent à revoir les hypothèses actuelles quant au déterminisme des formes graves de dengue et pourraient avoir des conséquences importantes pour le développement de stratégies préventives et thérapeutiques contre cette maladie. Le variant génétique identifié pourrait également être impliqué dans la sensibilité à d'autres infections faisant intervenir la molécule DC-SIGN.

 

 

Communiqué de presse
Paris, le 25 avril 2005

 

 

Existe-t-il des facteurs génétiques prédisposant au risque d'infection par les virus de la dengue ou à l'évolution vers les formes graves de la maladie ?

Pour répondre à cette question, l’équipe de Cécile Julier, responsable de l’Unité mixte Institut Pasteur-Inserm "Génétique des Maladies Infectieuses et Autoimmunes" (Institut Pasteur, Unité Inserm 730), a analysé le profil génétique d’une cohorte de 600 patients hospitalisés en Thaïlande pour la dengue et de près de 700 individus contrôles. Ce travail a été mené en collaboration avec la Mahidol University à Bangkok, le Centre National de Génotypage à Evry, et l’Unité Interactions Flavivirus-Hôtes de l’Institut Pasteur.

L’étude s’est focalisée sur un gène particulier, codant pour DC-SIGN, une molécule qui avait été identifiée en 2003 à l’Institut Pasteur* comme un co-récepteur indispensable à l’infection des cellules humaines cibles des virus de la dengue.

Il est reconnu que la majorité des infections par le virus de la dengue (environ 90%) sont asymptomatiques ou résultent en une fièvre indifférenciée. Parmi les personnes gravement atteintes, deux formes cliniques ont été définies, la fièvre de dengue (FD) et la fièvre hémorragique de dengue (FHD) ; cette dernière, gravissime, est caractérisée cliniquement par une fuite plasmatique, et peut être mortelle.

Un criblage moléculaire du gène codant pour DC-SIGN a permis dans un premier temps d’en définir tous les variants. Les chercheurs ont ensuite montré qu’un des variants génétiques était associé à une forte protection contre la FD : parmi les personnes hospitalisées pour cette maladie, les individus porteurs de ce variant ont en effet un risque 5 fois moins grand de développer une FD que les autres, alors que ce variant n’affecte pas le risque de développer la forme gravissime FHD. Cette étude montre que ces deux formes graves de la dengue répondent à des mécanismes pathophysiologiques au moins en partie distincts.

Les études fonctionnelles menées par les chercheurs sur ce variant de DC-SIGN suggèrent que son rôle protecteur serait lié à une diminution de la quantité du co-récepteur DC-SIGN à la surface des cellules cibles des virus de la dengue (cellules dendritiques). L’absence de protection liée à ce phénomène dans les cas de FHD, laisse penser que dans cette forme de maladie, d’autres mécanismes court-circuiteraient ou minoreraient le rôle du co-récepteur DC-SIGN.

Ces conclusions renforcent l’idée selon laquelle DC-SIGN est une molécule-clé pour la recherche de thérapies contre la dengue, dont le rôle différentiel dans les deux formes cliniques de la maladie doit désormais être considéré. Les différences génétiques entre individus aujourd’hui mises en évidence, devraient être prises en compte à l’avenir lors des essais de prévention (par exemple tests vaccinaux) ou de thérapie où cette molécule pourrait intervenir.

Ce gène n’explique pas la totalité des différences inter-individuelles en réponse à l’infection par le virus de la dengue, et l’équipe de Cécile Julier et ses collaborateurs poursuivent leurs recherches d’autres gènes intervenant dans le risque d’infection ou la gravité de la maladie chez les personnes infectées.

Au-delà de la dengue, ces résultats pourraient avoir des implications sur les recherches portant sur d’autres pathologies. Si DC-SIGN joue en effet un rôle majeur dans les arboviroses (dengue, fièvre à virus West Nile, fièvre jaune, encéphalite japonaise), c’est aussi une molécule d’attachement pour divers autres agents infectieux d’intérêt majeur en santé publique: VIH, virus de l’hépatite C, cytomégalovirus, virus Ebola, virus du SRAS, bacille de la tuberculose et certains parasites. Le variant qui vient d’être identifié pourrait donc intervenir dans la sensibilité génétique à différentes maladies infectieuses.

Sources

"A variant in the CD209 promoter is associated with severity of dengue disease": Nature Genetics, mai 2005
Anavaj Sakuntabhai (1, 2), Chairat Turbpaiboon (1, 3), Isabelle Casadémont (1), Ampaiwan Chuansumrit (4), Tassanee Lowhnoo (1, 5, 6), Anna Kajaste-Rudnitski (7), Sita Mint Kalayanarooj (1, 8), Kanchana Tangnararatchakit (4), Nattaya Tangthawornchaikul (9), Sirijit Vasanawathana (10), Wathanee Chaiyaratana (6), Pa-thai Yenchitsomanus (8, 9), Prapat Suriyaphol (8), Panisadee Avirutnan (8), Kulkanya Chokephaibulkit (11), Fumihiko Matsuda (5), Sutee Yoksan (12), Yves Jacob (13), G Mark Lathrop (5), Prida Malasit (8, 9), Philippe Desprès (7) & Cécile Julier (1)

1 Génétique des Maladies Infectieuses et Autoimmunes, Institut Pasteur, INSERM E102, 28 rue du docteur Roux, 75724 Paris Cedex 15, France.
2 Department of Medicine, Faculty of Medicine, Ramathibodi Hospital, Mahidol University, Rama VI, Bangkok 10400, Thailand.
3 Department of Biochemistry, Faculty of Science, Ramathibodi Hospital, Mahidol University, Rama VI, Bangkok 10400, Thailand.
4 Department of Pediatrics, Faculty of Medicine, Ramathibodi Hospital, Mahidol University, Rama VI, Bangkok 10400, Thailand.
5 Centre National de Génotypage, 2 rue Gaston Crémieux, CP 5721, 91057 Evry Cedex, France.
6 Research Center, Faculty of Medicine, Ramathibodi Hospital, Mahidol University, Rama VI, Bangkok 10400, Thailand.
7 Interactions Moléculaires Flavivirus-Hôtes, Institut Pasteur, 25 rue du docteur Roux, 75724 Paris cedex 15, France.
8 Medical Molecular Biology Unit, Faculty of Medicine, Siriraj Hospital, Mahidol University, Bangkok-noi, Bangkok 10700, Thailand.
9 Medical Biotechnology Unit, National Center for Genetic Engineering and Biotechnology BIOTEC, National Science and Technology Development Agency NSTDA, Pathumthani 12120, Thailand.
10 Department of Pediatrics, Khon Kaen Hospital, Ministry of Public Health, Khonkaen 40000, Thailand.
11 Department of Pediatrics, Faculty of Medicine, Siriraj Hospital, Mahidol University, Bangkok 10700 Thailand.
12 Center for Vaccine Development, Institute of Science and Technology for Research and Development, Mahidol University, 25/25 Moo 3, Phuttamonthon 4 Road, Salaya, Phuttamonthon District, Nakhon Pathom 73170, Thailand.
étique, Papillomavirus et Cancer Humain, Institut Pasteur, 25 rue du docteur Roux, 75724 Paris Cedex 15, France.

* "Dengue : un récepteur du virus identifié", communiqué de presse du 8 juillet 2003.

Contact presse

Service de presse de l’ Institut Pasteur
Nadine Peyrolo
01 44 38 91 30 - npeyrolo@pasteur.fr
Corinne Jamma
01 40 61 33 41 - cjamma@pasteur.fr

Service de presse de l’Inserm
Séverine Ciancia
01 44 23 60 86 - ciancia@tolbiac.inserm.fr
 

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