Peste et autres yersinioses

Isoler une souche

  1. Peste et autres yersinioses
  2. Isoler une souche

L’isolement d'une Yersinia directement à partir des échantillons contaminés n’est pas effectué par le CNR. Celui-ci ne caractérise que les souches préalablement isolées par les laboratoires de bactériologie.

RECOMMANDATIONS  POUR L’ISOLEMENT ET L’IDENTIFICATION DES SOUCHES

1. Prélèvements 
Des Yersinia pathogènes peuvent être isolées de nombreux échantillons biologiques, en tout premier lieu des selles, mais aussi du sang, de l'appendice, d'un abcès d'un organe profond, de biopsies intestinales.

Les diarrhées à Yersinia peuvent revêtir différents aspects (liquidiennes, glaireuses ou glairo-sanglantes), La recherche de ces bactéries doit donc être effectuée systématiquement devant toute diarrhée. De plus, même si la triade clinique diarrhées-fièvre-douleurs abdominales caractérise les yersinioses digestives, la diarrhée est absente dans environ 14% des cas, les douleurs abdominales dans environ 20% des cas, et la fièvre dans 28% des cas. Il est donc important de ne pas limiter la recherche des Yersinia à des critères cliniques trop stricts. L'âge ne doit pas non plus être un critère décisionnel pour la recherche de Y. enterocolitica par coproculture car même si ces bactéries affectent en priorité les enfants de moins de 10 ans, plus de la moitié des souches sont isolées de patients de plus de 10 ans, et 39% d'adultes.
L'isolement des Yersinia à partir des selles étant délicat, il ne faut pas hésiter à répéter les prélèvements.

2. Isolement
Les Yersinia ont une croissance plus lente que les autres entérobactéries: 48h sont nécessaires pour observer des colonies bien visibles.
La température optimale de croissance se situe entre 25°C et 30°C. La détection de colonies de Y. enterocolitica parmi de nombreux autres micro-organismes présents dans les selles peut donc être très difficile si les milieux sont incubés et examinés dans les conditions utilisées pour les autres entérobactéries (24h à 37°C).
Diverses méthodes d'enrichissement des Yersinia à partir des selles ont été proposées: Elles peuvent améliorer le taux d'isolement des Yersinia mais elles allongent le délai d'isolement et peuvent inhiber la croissance de certaines Yersinia pathogènes ou favoriser la multiplication de Yersinia non pathogènes.

Actuellement, le milieu le plus utilisé pour la recherche de Yersinia dans les selles est le milieu CIN (Cefsulodine, Irgasan, Novobiocine). C’est un milieu semi-sélectif qui permet d’inhiber la croissance d'une partie de la flore microbienne, mais qui inhibe aussi une partie des Y. pseudotuberculosis. Il reste néanmoins le milieu actuellement recommandé pour l'isolement des Yersinia. Après une incubation à 30°C pendant 24h sur le milieu CIN, les colonies de Y. enterocolitica mesurent 1 mm et ont une forme caractéristique en œil de bison (cf. photos ci dessous), avec un centre rouge entouré d’une zone translucide. Après 48h la couleur rouge du centre des colonies diffuse, ce qui ne permet plus de les différencier de certaines autres entérobactéries comme par exemple Citrobacter.

Photos de colonies de Yersinia sur milieu CIN après 24h d’incubation à 30°C (d’après Hallanvuo et coll., J. Clin. Microbiol. 2006).

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3. Identification bactérienne

L'identification du genre Yersinia repose sur ses propriétés morphologiques, culturales et métaboliques. Celle d'espèce est déterminée à l’aide de caractères biochimiques supplémentaires. Les caractères phénotypiques doivent être interprétés après incubation à 25-30°C car ces bactéries sont prototrophes à 28°C et auxotrophes à 37°C.

Caractères du genre Yersinia 

- Bacille Gram négatif aéro-anaérobie, mobile à 25°C et immobile à 37°C.
- Absence d’oxydase
- Fermentation du glucose sans production de gaz
- Réduction des nitrates en nitrites
- Présence d’une uréase très active et rapide (sauf Y. pestis). Le test de l’urée est positif en moins de 2h à partir de colonies prélevées sur gélose TSA. L’uréase apparaît plus tardivement sur milieu CIN (entre 3h et 24h). Il existe de rares souches uréase négative (0,8% des souches reçues au CNR).
- Tryptophane désaminase (TDA) négatif.

Caractères d’espèces 

Les méthodes semi-automatisées d'identification et la spectrométrie de masse type MALDI-TOF sont fréquemment utilisées, mais ne permettent pas toujours une identification correcte de l'espèce:
L'espèce Y. pseudotuberculosis possède des caractères métaboliques proches de ceux d'autres espèces de Yersinia de pathogénicité différente avec lesquelles elle peut être confondue: Y. similis (non pathogène), Y. wautersii (probablement pathogène) et Y. pestis. Les souches de Y. pseudotuberculosis sont subdivisées en sérotypes, dont le plus fréquent en France est le sérotype I, suivi par le III. Le sérotypage est effectué au CNR à l'aide d'antisérums spécifiques. L'isolement d'une souche de Y. pseudotuberculosis, quel que soit son sérotype, indique qu'elle est responsable de la pathologie infectieuse observée.

L'espèce Y. enterocolitica est subdivisée en 6 biotypes (1A, 1B, 2 à 5) par des tests biochimiques, et en 48 sérotypes à l'aide d'une batterie d'antisérums. Les biotypes 1A et 1B peuvent être associés à de nombreux sérotypes tandis que les autres biotypes sont associés à des sérotypes spécifiques (4/O:3, 2/O:9, 3/O:3 et 2-3/O:5,27). Un sérotypage partiel peut-être fait à l'aide d'antisérums O:3, O:5, O:9 et O:27. Le lysotypage de Y. enterocolitica est également effectué à l'aide d'une batterie de 28 phages, mais il n'est appliqué qu'aux souches du biotype 4.

Les souches de Y. enterocolitica n'ont pas toutes le même degré de pathogénicité:

- Les souches du biotype 1A sont très répandues dans l'environnement et sont fréquemment présentes à l'état saprophyte dans l'intestin de l'homme, sans être responsables d'une pathologie. En effet, plus d'un quart des souches de Y. enterocolitica isolées de selles humaines sont non pathogènes.
- Les souches du biotype 1B sont au contraire très pathogènes (septicémiques), mais elles sont isolées principalement aux Etats Unis et pratiquement jamais en France.
- Le biotype de Y. enterocolitica le plus fréquent en France est le biotype 4 (87% des Y. enterocoliticapathogènes), suivi des biotypes 2 (12%) et 3 (0,2%).

Du fait de l'association entre biotype et sérotype, la détermination du sérotype à l'aide d'antigènes disponibles commercialement peut permettre une orientation vers le caractère pathogène des souches. Ce résultat peut être utile à titre indicatif, mais n'est en aucun cas confirmatoire. En effet, des souches pathogènes peuvent posséder un sérotype absent des kits commerciaux ou bien être non agglutinables ou auto agglutinables, conduisant faussement à les considérer comme non pathogènes. A l'inverse, un faux diagnostic de pathogénicité peut être porté car 62% des Y. enterocolitica 1A non pathogènes ont un sérotype présent également chez les biotypes pathogènes.

Seul le biotype permet d'affirmer le caractère pathogène d'une souche de Y. enterocolitica. Sa détermination est essentielle pour le diagnostic étiologique de l'infection et la décision thérapeutique.

NB : avec la méthode de caractérisation génotypique par cgMLST, les biotypes de Y. enterocolitica sont remplacés par des génotypes (voir tableau de correspondance page « Activités du CNR »)

Mis à jour le 16/08/2018

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