Paludisme : découverte d'un marqueur moléculaire de la résistance parasitaire aux dérivés de l'artémisinine

Communiqué de presse
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Un marqueur moléculaire permettant de détecter les parasites du paludisme résistants aux dérivés de l’artémisinine, constituants majeurs des traitements antipaludiques actuellement recommandés par l’OMS, a été identifié par des scientifiques de l’Institut Pasteur à Paris, de l’Institut Pasteur du Cambodge, du CNRS et des National Institutes of Health (NIAID/NIH). La découverte de ce marqueur permettra de mieux comprendre comment le parasite résiste aux dérivés de l’artémisinine, d’améliorer considérablement la surveillance de la diffusion des formes résistantes et d’adapter rapidement les schémas thérapeutiques efficaces pour lutter contre ce fléau. Ce travail fait l’objet d’une publication en ligne le 18 décembre dans la revue Nature.

 

Communiqué de presse
Paris, le 19 décembre 2013

 

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Près de 40% de la population mondiale est exposée au paludisme, maladie pour laquelle il n’existe pas de vaccin. Provoqué par les parasites du genre Plasmodium, le paludisme touche chaque année plusieurs centaines de millions de personnes et fait près de 660 000 morts. Depuis une dizaine d’années, l’émergence, dans l’ouest du Cambodge, de parasites résistants aux dérivés de l’artémisinine inclus dans les dernières combinaisons thérapeutiques disponibles constitue une menace pour lutter efficacement contre la maladie. Une des craintes majeures est que les parasites résistants à ces médicaments diffusent en Afrique subsaharienne, continent le plus touché par le paludisme, comme cela fut le cas par le passé avec les traitements à base de chloroquine ou d'antifoliques et d'antifoliniques.

Jusqu’à présent, les moyens disponibles pour surveiller la propagation des formes résistantes du paludisme étaient limités à des études cliniques, difficiles à mettre en place et coûteuses. C’est dans ce contexte qu'en étroite collaboration, les équipes de Frédéric Ariey et Odile Puijalon à l’Institut Pasteur à Paris, de Didier Ménard à l’Institut Pasteur du Cambodge (Phnom Penh), de Françoise Benoit-Vical au CNRS à Toulouse et de Rick Fairhurst au NIAID/NIH (Bethesda, Etats-Unis), leurs collaborateurs ainsi que leurs partenaires cambodgiens (Centre National de Malariologie), livrent un travail qui ouvre une nouvelle dimension dans la lutte contre le paludisme. Les chercheurs ont fait une découverte majeure qui tenait en échec la communauté scientifique depuis plusieurs années : ils ont identifié un marqueur moléculaire étroitement associé à la résistance de Plasmodium falciparum aux dérivés de l’artémisinine. Ce marqueur moléculaire représente un outil puissant pour détecter les formes résistantes du paludisme, cartographier leur distribution et adapter rapidement les schémas thérapeutiques pour lutter contre ce fléau.

L’identification de ce marqueur moléculaire s’est faite grâce à une approche originale associant la génomique, la biologie, la clinique et l’épidémiologie : les chercheurs ont d’abord séquencé le génome d'une souche de Plasmodium falciparum rendue résistante en laboratoire et l'ont comparé avec celui de sa souche jumelle non résistante. Ils ont ainsi découvert que l’acquisition d’une mutation au sein d’un gène particulier permet à la souche de laboratoire de résister à de fortes doses d'artémisinine. Le polymorphisme de ce gène a ensuite été étudié chez des souches résistantes circulant au Cambodge. Les chercheurs ont pu établir une excellente corrélation entre la présence du gène mutant et la résistance en culture ou chez les patients.

L'analyse de nombreuses souches recueillies au Cambodge au cours de la dernière décennie a montré une augmentation progressive de la fréquence des parasites mutants dans les provinces affectées par la résistance.

Les chercheurs ont donc pu établir que les mutations touchant ce gène constituent une signature moléculaire fiable de la résistance aux dérivés de l’artémisinine.

La découverte réalisée par les chercheurs de l’Institut Pasteur à Paris, de l’Institut Pasteur du Cambodge, du CNRS et du NIAID/NIH constitue une avancée majeure dans la lutte contre le paludisme visant l’élimination de ce fléau.

 


Ces recherches ont reçu le soutien de :

- Institut Pasteur : Natixis, Laboratoire d'Excellence IBEID, Agence Nationale de la Recherche, Institut Pasteur, Rotary Club-Versailles
- Institut Pasteur du Cambodge : Natixis, Division Internationale de l’Institut Pasteur, Global Fund Grant Malaria Program Round 6 and Round 9, Organisation Mondiale de la Santé
- CNRS
- Inserm
- NIH, Intramural Research Program, NIAID: U.S. DOD Global Epidemic Information System, and the Intramural Research Program, NIAID, NIH


 

Sources

A molecular marker of artemisinin-resistant Plasmodium falciparum malaria, Nature, 18 décembre 2013, en ligne.

Frédéric Ariey (1,2,3), Benoit Witkowski (4), Chanaki Amaratunga (5), Johann Beghain (1,3,6), Anne-Claire Langlois (1,3), Nimol Khim (4), Saorin Kim (4), Valentine Duru (4), Christiane Bouchier (7), Laurence Ma (7), Pharath Lim (4,5,8), Rithea Leang (8), Socheat Duong (8), Sokunthea Sreng (8), Seila Suon (8), Char Meng Chuor (8), Denis Mey Bout (9), Sandie Ménard (10), William O. Rogers (11), Blaise Genton (12), Thierry Fandeur (1,4), Olivo Miotto (13,14,15), Pascal Ringwald (16), Jacques Le Bras (17), Antoine Berry (10), Jean-Christophe Barale (1,3), Rick M Fairhurst (5), Françoise Benoit-Vical (18,19), Odile Mercereau-Puijalon (1,3), Didier Ménard (4).

(1) Institut Pasteur, Parasite Molecular Immunology Unit, Paris, France
(2) Institut Pasteur, Genetics and Genomics of Insect Vectors Unit, Paris, France
(3) Centre National de la Recherche Scientifique, Unité de Recherche Associée 2581, Paris, France
(4) Institut Pasteur du Cambodge, Malaria Molecular Epidemiology Unit, Phnom Penh, Cambodia
(5) Laboratory of Malaria and Vector Research, National Institute of Allergy and Infectious Diseases, National Institutes of Health, Bethesda, MD, USA
(6) Institut Pasteur, Functional Genetics of Infectious Diseases Unit, Paris, France
(7) Institut Pasteur, Plate-forme Génomique, Département Génomes et Génétique, Paris, France
(8) National Center for Parasitology, Entomology and Malaria Control, Phnom Penh, Cambodia
(9) SSA WHO, Drug Monitoring in Cambodia, National Center for Parasitology, Entomology and Malaria Control, Phnom Penh, Cambodia
(10) Centre de Physiopathologie de Toulouse-Purpan, INSERM UMR1043 - CNRS UMR5282 - Université Toulouse III, and Service de Parasitologie et Mycologie, Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse, Toulouse, France
(11) Naval Medical Research Unit #2 Detachment, Phnom Penh, Cambodia
(12) Infectious Disease Service & Department of Ambulatory Care and Community Medicine, University of Lausanne, and Swiss Tropical and Public Health Institute, Basel, Switzerland
(13) MRC Centre for Genomics and Global Health, University of Oxford, Oxford OX3 7BN, UK
(14) Mahidol-Oxford Tropical Medicine Research Unit, Mahidol University, Bangkok 10400, Thailand
(15) Wellcome Trust Sanger Institute, Hinxton, Cambridge CB10 1SA, UK
(16) Global Malaria Program, World Health Organization, Geneva, Switzerland
(17) Centre National de Référence du Paludisme, CHU Bichat-Claude Bernard, APHP, PRES Sorbonne Paris Cité, Faculté de Pharmacie, and Mère et Enfant Face aux Infections Tropicales, IRD Unité Mixte de Recherche 216, Paris, France
(18) Centre National de la Recherche Scientifique, Laboratoire de Chimie de Coordination UPR8241, Toulouse, France.
(19) Université de Toulouse, UPS, INPT, Toulouse, France

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