Salmonellose : l’Institut Pasteur a lancé l’alerte !
Le Centre national de référence (CNR) des Salmonella localisé à l’Institut Pasteur à Paris est chargé de la surveillance microbiologique des salmonelloses humaines. C’est ce CNR qui a alerté les autorités de santé fin novembre 2017 d’un excès de cas de salmonellose chez les nourrissons et ainsi déclenché la mobilisation pour lutter contre l’épidémie d’infections à salmonelles liée à des poudres de lait infantile, qui fait l’actualité ces dernières semaines. La mission de veille et d’alerte du CNR s’inscrit dans l’ensemble du dispositif hexagonal de surveillance et de prévention de ces infections.
« Entre août et décembre 2017, plusieurs nourrissons ont été identifiés par le Centre national de référence [CNR] des Salmonella comme atteints d’une salmonellose à Salmonella sérotype Agona », rappelle sur son site Santé publique France, l’agence nationale de santé publique. L’identification de huit cas en huit jours, par le CNR basé à l’Institut Pasteur (Paris), a permis à Santé publique France d’entamer « les investigations épidémiologiques dès le 1er décembre auprès des parents des bébés concernés. »
Le CNR des Salmonella est un dispositif sentinelle désigné par le ministère de la Santé pour surveiller les salmonelloses sur le plan microbiologique en France : « Les souches de salmonelles isolées chez des patients par les laboratoires privés ou publics du réseau du CNR nous sont adressées pour faire un typage le plus discriminant possible et détecter toute augmentation anormale d’un type particulier », explique le Dr François-Xavier Weill, responsable du centre à l’Institut Pasteur (Paris). Le CNR reçoit près de 10 000 souches de salmonelles chaque année, dont environ 400-600 qui proviennent de bébés âgés de moins de 1 an. « Ces quatre dernières années [entre 2012 et 2016, NDLR], nous avons identifié environ 60 souches de Salmonella Agona par an chez des patients de tous âges », explique Simon Le Hello, co-responsable du CNR. François-Xavier Weill rappelle que l’on connaît au total « plus de 2 600 types différents de Salmonella » et que c’est également dans ce même laboratoire de l’Institut Pasteur que ces types de salmonelle sont validés sur le plan international.
Que faire des pots de lait infantile appartenant aux lots retirés du marché ?
- Ramenez les à l'endroit où ils ont été achetés de façon à ce qu'ils soient incinérés.
- Lavez-vous les mains après un éventuel contact avec de la poudre de lait.
Conseils sur la préparation des biberons
- Il faut toujours se laver les mains avant et après la préparation d’un biberon.
- Une fois le biberon prêt, il faut le faire boire tout de suite par le nourrisson. Ou le stocker au réfrigérateur. Bien nettoyer le biberon dès la fin du repas.
Le séquençage complet de l’ADN bactérien pour identifier la souche
« Depuis un an et demi, nous sommes en mesure d’effectuer le séquençage complet et rapide des souches qui nous sont envoyées pour analyse, poursuit Simon Le Hello. Nous avons pu ainsi apporter la confirmation microbiologique qu’une même souche était la cause d’infections chez plusieurs nourrissons de moins d’un an. »
L’expertise sur les salmonelles a débuté il y a 70 ans à l’Institut Pasteur avec le Centre des Salmonelles. Puis ce centre est devenu CNR des Salmonella dès 1972 (date de création des CNR en France – voir encadré plus bas). Ce savoir s’est transmis de scientifique en scientifique au sein du CNR au cours du temps. Une épidémie causée par des laits en poudre contaminés par Salmonella Agona avait déjà eu lieu en France en 2005. « A l’époque, c’est déjà notre CNR qui avait identifié l’épidémie qui avait fait près de 140 cas », se rappelle François-Xavier Weill. L’Institut conserve les souches analysées et possède une impressionnante collection de centaines de milliers de souches de Salmonella, certaines remontant à la fin du 19e siècle.
Le CNR Salmonella à l’Institut Pasteur
De 1947 à 1971, le laboratoire des Entérobactéries dirigé par Léon Le Minor (à l’Institut Pasteur) a fait office de laboratoire de référence pour les Salmonella. « Ce chercheur a demandé aux laboratoires de biologie médicale publics et privés de lui envoyer leurs souches de salmonelles pour les analyser plus en détail », raconte François-Xavier Weill. Une visibilité plus complète des cas en France était devenue alors possible. Puis, les Centres nationaux de référence furent officiellement créés en 1972 et l’Institut Pasteur a depuis continué à assurer cette mission.
Voir la page du CNR des Escherichia coli, Shigella, Salmonella
Du fait des nouvelles techniques disponibles à l’Institut Pasteur depuis 2016, à la fois une plateforme (PIBnet-P2M) permettant le séquençage complet de l’ADN mais aussi des outils bioinformatiques développés par le CNR pour analyser les résultats, les scientifiques ont été en mesure de séquencer la souche de 2005 a posteriori pour vérifier sa similitude avec celle de l’épidémie actuelle. « La souche actuelle est la même que celle de 2005 », confirme Simon Le Hello.
Les analyses rétrospectives de séquençage sur des souches de collection se poursuivent pour confirmer ou infirmer la possibilité de survenue de cas sporadiques causés par cette même souche entre les deux épisodes épidémiques de 2005 et 2017. Cette information est de nature à contribuer à l’enquête en cours par les autorités de l’Etat et ayant pour but de comprendre où, quand et comment a pu avoir eu lieu la contamination du lait infantile.
Salmonella en microscopie à balayage. © Institut Pasteur
La souche actuelle est la même que celle de 2005
Visualisation en microscopie électronique à balayage de l'interaction de la bactérie Salmonella typhimurium (autre variété que celle retrouvée au cours des épidémies de 2005 et 2017) avec l'épithélium intestinal de souris. Ce bacille à Gram-négatif est responsable de nombreuses entérites.
© Institut Pasteur/Perrine Bomme, Plate-Forme Microscopie Ultrastructurale, Nouara Lhocine, unité de Pathogénie Microbienne Moléculaire - Colorisation Jean-Marc Panaud.
Un filet de sécurité
La mission du CNR est de lutter contre les maladies transmissibles, la salmonellose dans le cas présent. Cet objectif lui est assigné par l’Etat, qui renouvelle son mandat tous les cinq ans (actuellement jusqu’en 2022). Plus particulièrement, le CNR assure la surveillance microbiologique des salmonelloses humaines communautaires et hospitalières, avec l’identification des souches bactériennes, sous réserve d’avoir toutes les informations épidémiologiques.
Voir la page du CNR des Escherichia coli, Shigella, Salmonella
« Notre mission essentielle est d’identifier une épidémie à son tout début (cas regroupés dans le temps, causés par un même type de bactérie), nous donnons ainsi l’alerte et les épidémiologistes prennent alors le relais pour en déterminer l’origine et permettre aux autorités de retirer de la vente l’aliment contaminé », explique François-Xavier Weill. Près de 7 000 souches isolées de cas humains sont maintenant séquencés par an, la plupart étant liées à des cas sporadiques de salmonellose. Cette surveillance des cas humains, co-financée par le ministère de la santé et l’Institut Pasteur, est un filet de sécurité qui complémente les contrôles sanitaires dits « de la fourche à la fourchette » du ministère de l’agriculture. « C’est un système de surveillance qui a pu détecter les deux épidémies. Je crois important de le rappeler et de rassurer ceux qui nous lisent, et que l’actualité inquiète peut-être », déclare Simon Le Hello. L’arrivée récente des technologies de séquençage a révolutionné la surveillance microbiologique de ces infections d’origine alimentaire. Il est possible maintenant de suivre l’évolution au cours du temps d’une souche bactérienne en particulier. Plus la surveillance est réalisée sur un grand nombre de souches plus elle est sensible en terme de détection des épidémies. « Nos limites ne sont plus technologiques mais financières », conclut François-Xavier Weill.
François-Xavier Weill, responsable du Centre national de référence des Salmonella, à l’Institut Pasteur (Paris)
Nos limites ne sont plus technologiques mais financières [pour la surveillance réalisée sur un plus grand nombre de souches].
La place des CNR dans la surveillance sanitaire en France
Dès les années 1950, la France organise la surveillance de l’état de santé de la population, notamment dans le champ des maladies infectieuses, avec des centres nationaux de référence ou CNR (appellation officielle depuis 1972). Ils sont aujourd’hui placés sous la responsabilité de l’agence Santé publique France (issue de la fusion de l’ancien Institut de veille sanitaire et de deux autres structures de santé publique). Parmi les 44 CNR français en 2017, 14 sont abrités par l’Institut Pasteur aujourd’hui. À ce dispositif viennent s’ajouter quatre laboratoires associés à des CNR, localisés à l’Institut Pasteur de la Guyane.
Véritables observatoires des maladies infectieuses, les CNR ont pour mission d’identifier ou de confirmer le coupable lorsqu’on suspecte une infection. C’est pourquoi ils s’appuient sur des réseaux de médecins et de laboratoires, qui vont les alerter directement.
Chaque CNR concentre son expertise sur un type d’agent infectieux spécifique. Cette surveillance est de fait exercée par des responsables d’unités de recherche. Les CNR identifient précisément les souches pathogènes en circulation. Ils alertent bien entendu les autorités de santé de tout événement inhabituel : l’émergence d’une nouvelle souche de bactérie, le regroupement de cas pouvant faire craindre une épidémie, etc.
Les CNR participent enfin à la formation des personnels et décideurs en santé publique.
Les Salmonella et les épidémies d’origine alimentaire
En Europe, les Salmonella représentent la cause la plus fréquente d’épidémies d’origine alimentaire et la deuxième cause de maladies d’origine alimentaire (salmonelloses). Les salmonelloses sont des maladies provoquées par ces bactéries intestinales, le plus souvent transmises à l’homme par le biais d’aliments contaminés. En pathologie humaine, les salmonelloses comprennent deux principaux types d’affections : gastro-entérites et fièvres typhoïde et paratyphoïdes.
Fiche maladie "Salmonelloses"