Le virus Acidianus hospitalis Filamentous Virus 1 vit dans les eaux bouillantes et acides du parc de Yellowstone (Etats-Unis). Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’école de médecine de l’Université de Virginie (Etats-Unis) dévoilent les secrets de sa membrane qui semble presque indestructible. La spécificité de cette enveloppe lipidique est telle qu’elle constitue un 3e et nouveau type d’enveloppe membranaire, alors que seuls deux types étaient connus jusqu’à lors.
Acidianus hospitalis Filamentous Virus 1 a été découvert en 20031 dans les sources thermales du parc de Yellowstone (Etats-Unis), par David Prangishvili, chercheur au sein de l’unité de Biologie moléculaire du gène chez les extrêmophiles, à l’Institut Pasteur. Dans les bassins bouillonnants du parc, la température dépasse souvent 85 degrés Celsius. « Ce virus est donc très résistant et capable de survivre dans des conditions défavorables, explique David Prangishvili. Il vit littéralement dans l’acide bouillant et survit dans des milieux au pH très bas [pH autour de 2]. »
Les derniers travaux du chercheur, menés avec ses collègues de l’Université de Virginie, ont permis de déterminer la structure de ce nouveau virus que l’on retrouve non seulement à Yellowstone, mais plus généralement dans les zones volcaniques actives comme au sud de l’Italie (près de Naples), au Japon et en Islande. « Pour comprendre comment ce type de virus résiste à des conditions si extrêmes, nous devions analyser sa structure à un niveau atomique, reprend le chercheur. Les récents progrès technologiques, notamment en microscopie cryo-électronique, nous ont permis de découvrir que le virus était protégé par un type de membrane jamais rencontré jusqu’à présent. »
Toutes les cellules vivantes, comme beaucoup de virus, sont entourées d’une enveloppe composée de lipides. Deux types d’enveloppe sont connus mais celui découvert est totalement nouveau : « L’enveloppe extérieure du virus est moitié moins épais que les membranes cellulaires connues, mais il est étonnamment stable. » La raison ? Les lipides de sa membrane sont arrangées en forme de fer à cheval ! « Cette conformation réduit l’épaisseur de l’enveloppe et offre une durabilité remarquable. Nous avions déjà obtenu en laboratoire, auparavant, des membranes de la sorte. Désormais, nous savons qu’elles existent à l’état naturel. »
Comme ils peuvent déjà reproduire cette enveloppe en laboratoire, les scientifiques pensent qu’elle pourrait être utilisée pour créer un matériau solide. Toutes sortes d’applications sont envisageables à long terme, que ce soit dans la science des matériaux, la construction, ou encore la médecine. Dans le domaine de la nanomédecine, une telle enveloppe pourrait offrir un moyen de stabiliser les particules microscopiques de médicaments, de sorte qu'elles puissent être livrées exactement là où elles sont nécessaires dans le corps d’un patient.
Cette recherche a été soutenue par les National Institutes of Health et l’Agence nationale de recherche en France.
1. Bettstetter M, Peng X, Garrett RA, and Prangishvili D. AFV1, a novel virus infecting hyperthermophilic archaea of the genus Acidianus. Virology 2003. 315:68-79.
Dynamique conformationnelle de 20 lipides d’une enveloppe simulée du virus AFV1 - images à intervalles d’une nanoseconde (source : https://doi.org/10.7554/eLife.26268.008).
Source
Model for a novel membrane envelope in a filamentous hyperthermophilic virus, eLife, 22 juin 2017.
Peter Kasson1,2, Frank DiMaio3, Xiong Yu4, Soizick Lucas-Staat5, Mart Krupovic5, Stefan Schouten6,7, David Prangishvili5, Edward H Egelman4
1. Department of Molecular Physiology and Biological Physics, University of Virginia, Charlottesville, United States
2. Department of Biomedical Engineering, University of Virginia, Charlottesville, United States
3. Department of Biochemistry, University of Washington, Seattle, United States
4. Department of Biochemistry and Molecular Genetics, University of Virginia, Charlottesville, United States
5. Department of Microbiology, Institut Pasteur, Paris, France
6. NIOZ Royal Netherlands Institute for Sea Research, Texel, Netherlands
7. Department of Marine Microbiology and Biogeochemistry, Utrecht University, Texel, Netherlands