Federico Nitti, le chercheur résistant

Connu pour la mise en évidence de l’action antibactérienne des sulfamides, premiers antibiotiques utilisés, ce biologiste italien naturalisé français fut aussi un illustre résistant.

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En 1925, alors que Federico Nitti étudie la médecine à l’université de Naples, sa famille doit fuir l’Italie fasciste de Mussolini. C’est l’exil à Zurich, puis à Paris où Federico poursuit ses études. Externe des hôpitaux, il s’inscrit au grand cours de l’Institut Pasteur, où il entre à l’âge de 30 ans comme stagiaire dans un laboratoire dirigé par un compatriote, Alessandro Salimbeni. Docteur en médecine deux ans plus tard, il rejoint le laboratoire de chimie thérapeutique d’Ernest Fourneau. C’est là que Daniel Bovet, Thérèse et Jacques Tréfouël, et lui-même isolent un principe actif antibactérien et ouvrent la voie aux premiers traitements antibiotiques par les sulfamides. En 1939, Federico Nitti obtient la citoyenneté française et l’année suivante, un laboratoire de bactériologie lui est confié : il y étudiera la pénicilline et le bacille de Koch, responsable de la tuberculose. Entré dans la Résistance sous le nom de Dr Morin, il créé en 1942 avec Jacques Tréfouël, devenu Directeur de l’Institut Pasteur, un dépôt clandestin qui approvisionne les Forces Françaises de l’Intérieur en médicaments, sérums, vaccins et matériels : plus de 200 000 ampoules de sérum antitétanique et une tonne de sulfamides seront livrés aux combattants. Ce rôle lui vaudra la médaille de la Résistance en 1945. Après la Libération, Federico Nitti rejoint Daniel Bovet, qui a épousé quelques années plus tôt sa sœur Filomena, au laboratoire de chimie thérapeutique de l’Institut supérieur de la santé à Rome, en Italie. Il meurt prématurément quelques mois plus tard, à 44 ans. « Son optimisme souriant, son calme courage, son mépris total du danger, son intuition, son intelligence, ses inépuisables connaissances bactériologiques : il a tout offert pour servir l’Institut Pasteur et la France qu’il avait choisie pour patrie », écrira Jacques Trefouël.

LES TRAVAUX CLANDESTINS DU DOCTEUR NITTI

Federico Nitti fut le premier en France à préparer et à utiliser la pénicilline, en toute clandestinité, sous l’occupation allemande. La pénicilline avait été découverte en 1928 par le britannique Alexander Fleming, mais ne fut utilisée qu’après-guerre, quand des méthodes de purification permirent sa production à grande échelle. Entre temps, Nitti voulait tester cette molécule prometteuse. Il réussit à se procurer en secret une souche de Penicillium notatum, champignon sécrétant l’antibiotique, étudia son mode d’action et de production de la pénicilline, et en fournit de petites quantités à l’Hôpital Pasteur pour des essais cliniques. Les Allemands eurent vent de la fameuse souche et lui ordonnèrent de la leur procurer. « Bien, je vais essayer de la faire démarrer », dit Nitti. Mais il les leurra en repiquant une souche stérile...

> 20 septembre 1903

Naît sur l’île d’Ischia (baie de Naples, Italie) d’un père ancien président du Conseil Italien.

> 1925-1927

La famille Nitti fuit l’Italie de Mussolini, à Zurich, puis à Paris, où Federico poursuit ses études de médecine.

> 1933-1934

Suit le « Grand Cours » de l’Institut Pasteur, puis le cours des fermentations. Entre dans le laboratoire de A. Salimbeni. Étude des streptocoques.

> 1935

Thèse de doctorat en médecine (mention très honorable) : La vaccinothérapie dans l’asthme bronchique.

> 1935-1939

Avec Daniel Bovet, Thérèse et Jacques Tréfouël, met en évidence l’action antibactérienne des sulfamides. Démontre l’action des sulfamides sur les streptocoques et le Clostridium Welchii, travaux qui seront appliqués aux blessures de guerre. Est naturalisé français.

> 1940

Nommé chef du laboratoire de bactériologie au sein du Laboratoire de chimie thérapeutique de l’Institut Pasteur.

> 1940-1944

Étudie le mode d’action et de production de la pénicilline. Entreprend ses premiers travaux sur la chimiothérapie de la tuberculose.

> 1942

Crée avec J. Tréfouël (directeur de l’Institut Pasteur) un dépôt de médicaments, qui devient la pharmacie centrale des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).

> 1944

Devient chef de service à l’Institut Pasteur.

> 1945

Médaille de la Résistance.

> 1946

Reçoit la Légion d’honneur pour la découverte des sulfamides. Publie une note sur l’activité thérapeutique de l’association sulfamide-pénicilline dans le traitement des infections streptococciques et pneumococciques expérimentales. Part en Italie.

> 3 mars 1947

Décès en Italie.

 

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