Chaque année dans le monde 4 millions d’enfants meurent avant l’âge d’un an essentiellement dans les pays à ressources limitées, dont un tiers suite à une infection sévère. La période néonatale (1er mois de vie) concentre à elle seule un tiers des décès avant l’âge d’un an. Cette situation est rendue d’autant plus complexe dans un contexte d’émergence sans cesse croissante de bactéries résistantes aux antibiotiques. En 2012, l’Institut Pasteur et l’Institut Pasteur de Madagascar ont initié le programme BIRDY 1 dans l’objectif de documenter, en milieu communautaire, les infections néonatales et évaluer l’état de la résistance aux antibiotiques.
Réunis à l’Institut Pasteur de Madagascar les 14 et 15 février, les chercheurs ont restitué les premiers résultats obtenus chez les 981 premiers enfants inclus dans ce programme débuté en 2012. Au total, 394 nouveau-nés ont été suivis sur un site urbain à Antananarivo et 587 en milieu semi-rural à Moramanga. Tous les bébés ont bénéficié pendant leurs premiers mois de vie d’un suivi actif (visite régulière à domicile) et d’une prise en charge rapide en cas de suspicion d’infection.
Une incidence des infections néonatales 40 fois supérieure à celle observée au Etats-Unis
Les premiers résultats montrent une incidence des infections néonatales confirmées de 17,7 pour 1000 naissances vivantes. Ce taux monte même jusqu’à 35,8 pour 1000 en y ajoutant les cas d’infections néonatales probables2, une incidence extrêmement élevée, 40 fois supérieure à celle observée au Etats-Unis. Les chercheurs ont également observé que 75% de ces infections surviennent au cours de la première semaine de vie. « Nos résultats soulignent l’importance de renforcer le suivi et la prise en charge au niveau communautaire autour de l’accouchement. Il faut avoir à l’esprit que plus d’un tiers des femmes de notre cohorte ont accouché à domicile » explique Bich-Tram Huynh, chercheuse dans l’unité de pharmacoépidémiologie et maladies infectieuses de l’Institut Pasteur et co-principale investigateur du programme BIRDY.
Des visites régulières à domicile permettent de suivre les bébés inclus dans la cohorte et de les prendre en charge en cas de suspicion d’infection. Crédit: Institut Pasteur de Madagascar/Sophie Goyet
L’incidence des infections bactériennes multirésistantes a été estimée à 7,7 cas pour 1000 naissances vivantes. « C’est la toute première fois que ce taux est estimé en milieu communautaire. Ces résultats préliminaires relativement modéré au regard de ce que nous attendions, s’ils se confirment, indiquent qu’il est encore temps de mettre en place des interventions pour limiter la diffusion de ces bactéries multirésistantes en communauté » commente Jean-Marc Collard, chef de l’unité de Bactériologie expérimentale à l’Institut Pasteur de Madagascar et co-principal investigateur du programme BIRDY. Cependant, les analyses bactériologiques ont montré que 70% des pathogènes retrouvés chez les nouveau-nés étaient résistants à au moins un des deux antibiotiques actuellement recommandés par l'Organisation mondiale de la santé pour traiter ces infections (ampicilline et gentamicine).
Au cours de la réunion de restitution, les chercheurs ont annoncé le lancement d’un projet BIRDY 2 qui débutera au deuxième semestre 2018 pour une durée de 3 ans. Ce nouveau projet va mettre en œuvre une approche One Health pour étudier de façon globale la transmission des bactéries multirésistantes. « Nous allons affiner notre estimation de l’incidence des infections néonatales et étudier l’acquisition des bactéries multirésistantes chez les nouveau-nés, qu’elles proviennent de la mère ou de l’environnement. Nous allons également nous intéresser à la prématurité pour essayer de comprendre ce qui la déclenche et quelles sont les conséquences sur le développement de l’enfant » explique Perlinot Herindrainy, coordinateur du programme et épidémiologiste à l’Institut Pasteur de Madagascar. En effet, les complications dues à une naissance prématurée sont en cause dans plus de 27 % des décès chez les nouveaux nés.
Inédite par son approche et son ampleur, cette étude est aussi mise en œuvre depuis 2014 au Cambodge et au Sénégal en partenariat avec les instituts Pasteur locaux, de manière identique à Madagascar. Elle permettra à terme d’obtenir des résultats comparables dans des contextes locaux différents.
Le projet BIRDY est soutenu à Madagascar par la Direction de la Coopération Internationale de la Principauté de Monaco
(1) Bacterial Infections and antibiotic Resistant Diseases among Young children in low income countries
(2) les cas probables sont les nouveau-nés avec des symptômes cliniques d’infection sévère et pour lesquels les prélèvements périnataux (oreilles, fèces, placenta, liquide gastrique) se sont révélés positifs. Les cas confirmés sont les nouveau-nés avec des symptômes cliniques d’infection sévère et pour lesquels les prélèvements centraux (sang, liquide céphalo-rachidien, urine) se sont révélés positifs.