VIH : comment les cellules immunitaires NK apprennent à contrôler la réplication du virus dans un ganglion lymphatique

Communiqué de presse
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De nouvelles découvertes fournissent des informations clés sur les mécanismes qui permettent à certaines cellules de l’immunité, les cellules tueuses naturelles appelées « NK » (pour Natural Killer), de tuer des cellules infectées par le SIV, l’équivalent du VIH chez les primates.

Une équipe de recherche menée par Michaela Müller-Trutwin (Institut Pasteur) a montré comment les cellules NK, en charge de la surveillance immunitaire, parviennent à contrôler la réplication du virus chez certaines espèces de singes qui sont atteintes d’une forme non pathologique d’infection. Ce phénomène repose sur la différenciation avancée des cellules NK chez ces espèces, qui leur conférerait une plus grande capacité à reconnaître et tuer les cellules infectées par le virus.

Cette étude menée par l’Institut Pasteur et soutenue par l’ANRS, la Fondation Jacqueline Beytout et la Fondation MSDAvenir, est parue dans la revue Nature Communications, le 24 février 2021.

De nombreuses espèces de singes sont infectées par le virus de l'immunodéficience simienne (SIV), l’ancêtre de notre VIH. Certaines espèces, comme le singe vert d’Afrique, peuvent vivre normalement malgré l’infection sans jamais évoluer vers le stade du sida.

En 2017, des travaux réalisés par l’équipe de Michaela Müller-Trutwin (responsable de l’unité VIH, inflammation et persistance à l’Institut Pasteur), avaient montré l’implication majeure des cellules NK (pour Natural Killer), des cellules tueuses du système immunitaire, dans le processus de contrôle. Les chercheurs avaient en effet découvert que ces cellules, circulant normalement dans le sang, présentaient chez le singe vert d’Afrique, hôte naturel du SIV, la capacité de migrer vers les ganglions lymphatiques. Ceux-ci sont des réservoirs du virus, où il se réplique fortement. Les hôtes naturels du SIV, alors même qu’ils présentent une importante charge virale dans le sang ou dans l’intestin, parviennent à limiter la réplication dans les ganglions lymphatiques, ce qui contribue à empêcher le développement d’une immunodéficience.

Les nouveaux travaux de l’équipe menée par Michaela Müller-Trutwin en collaboration avec des chercheurs internationaux de de haut niveau ont percé à jour le mécanisme par lequel les cellules NK parviennent à contrôler la réplication. Tout est une question de différenciation. Pour s’en rendre compte, l’équipe de recherche a comparé ce qu’il se passe chez deux espèces de singes : d’une part le singe vert d’Afrique (hôte naturel), d’autre part un modèle animal du VIH/sida, le macaque infecté par le SIV. L’équipe a réalisé entre autres un séquençage à haut débit des cellules NK présentes dans les ganglions lymphatiques infectées afin d’identifier l’ensemble des gènes exprimés. C’est ainsi qu’ils ont remarqué que les cellules NK du singe vert d’Afrique évoluaient vers un stade de différenciation avancée, tandis que chez les macaques, cette différenciation était bloquée.

En circulant dans l’organisme, les cellules NK sont capables de reconnaître les cellules saines grâce à un signal qu’elles émettent. Ce signal inhibe la capacité dite « cytolytique » des cellules NK à détruire les cellules saines, mais il peut aussi inhiber les cellules NK à tuer des cellules infectées. Lors de l’infection par le SIV chez l’hôte naturel, les cellules NK des ganglions lymphatiques apprennent à reconnaître les cellules infectées, car elles présentent des peptides viraux du SIV, ce qui conduit à leur destruction par les NK. L’équipe a identifié ces peptides : ils dérivent de la protéine virale « env » de l’enveloppe du virus.

Chez le modèle de macaque, les cellules NK n’acquièrent pas cette capacité. « On suppose que c’est pareil chez l’homme, car ce modèle de macaque est très proche de ce qu’il se passe chez l’humain », précise Michaela Müller-Trutwin.

« Il était connu que les cellules NK influencent les niveaux de virémie du VIH. On a toutefois trop longtemps sous-estimé le potentiel de ces cellules lors de la phase chronique de l’infection, rapporte la chercheuse. La communauté scientifique s’est intéressée davantage à la réponse immunitaire acquise (lymphocytes B ou T), alors qu’on se rend compte grâce à nos travaux que les cellules NK ont le potentiel de contrôler un réservoir viral. »

Ces travaux ouvrent la voie à des perspectives thérapeutiques. « Ces résultats sont prometteurs, car ils apportent la preuve que les cellules NK sont modulables à la suite d’une infection lentivirale (famille de virus à laquelle appartiennent le VIH et le SIV), se réjouit Michaela Müller-Trutwin. Elles ne sont pas figées et peuvent apprendre à reconnaître et tuer les cellules infectées par le SIV. Il est donc possible d’imaginer une immunothérapie qui induirait la différenciation des cellules NK, chez les singes d’abord et puis chez l’homme, et ainsi de contribuer aux stratégies de rémission du VIH. »


Source

SIV-induced terminally differentiated adaptive NK cells in lymph nodes associated with enhanced MHC-E restricted activity, Nature Communications, 24 février 2021

Nicolas Huot1, Philippe Rascle1,2, Caroline Petitdemange1, Vanessa Contreras3, Christina M. Stürzel4, Eduard Baquero5, Justin L. Harper6, Caroline Passaes1, Rachel Legendre7, Hugo Varet8, Yoann Madec9, Ulrike Sauermann10, Christiane Stahl-Hennig10, Jacob Nattermann11, Asier Saez-Cirion1, Roger Le Grand3, R. Keith Reeves12, Mirko Paiardini6,13, Frank Kirchhoff4, Beatrice Jacquelin1 & Michaela Müller-Trutwin1

1 Institut Pasteur, Unité HIV, Inflammation et Persistance, Paris, France
2 Université de Paris, Paris, France
3 CEA, Université Paris-Sud, Inserm UMR1184, IDMIT Département IBFJ, Fontenay-aux-Roses, France
4 Ulm University Medical Center, Ulm, Germany
5 Institut Pasteur, Unité de Virologie Structurale, Paris, France
6 Division of Microbiology and Immunology, Yerkes National Primate Research Center, Emory University, Atlanta, GA, USA
7 Bioinformatics and Biostatistics Hub, Department of Computational Biology, Institut Pasteur, Paris, France
8 Biomics Platform, Center for Technological Resources and Research (C2RT), Institut Pasteur, Paris, France
9 Institut Pasteur, Epidemiology of Emerging Diseases Unit, Paris, France
10 Deutsches Primatenzentrum, Göttingen, Germany
11 Medizinische Klinik und Poliklinik I, Universitätsklinikum Bonn, Germany; German Center for Infection Research (DZIF), Bonn, Germany
12 Center for Virology and Vaccine Research, Beth Israel Deaconess Medical Center, Harvard Medical School, Boston, MA, USA
13 Department of Pathology and Laboratory Medicine, Emory University School of Medicine, Atlanta, GA, USA

https://doi.org/10.1038/s41467-021-21402-1

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