Un nouveau test ARN basé sur la technologie CRISPR détecte les trypanosomes animaux, aidant à surveiller les parasites qui menacent le bétail en Afrique et à contrôler la transmission des formes pathogènes pour l’être humain. Cette étude est menée par un consortium international piloté par l’Institut Pasteur. Les résultats s’alignent entièrement avec la mission historique de l’Institut de lutter contre les menaces infectieuses, mais aussi avec l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la santé pour 2030 : éliminer la trypanosomiase humaine africaine.
La trypanosomiase humaine africaine, communément appelée maladie du sommeil, est caractérisée par des symptômes allant d’une grande fatigue et des symptômes dermatologiques, à des troubles du sommeil et des troubles neurologiques. Cette atteinte est due à la présence d’un parasite flagellé, Trypanosoma brucei gambiense, injecté dans l’organisme par la mouche tsé-tsé. Cette dernière est d’abord infectée après avoir piqué un malade ou un animal domestique tel qu’un porc lui-même infecté.
Un cours Neglected Tropical Diseases sur FUN MOOC Consulter le MOOC “Neglected Tropical Diseases (NTDs)” - Maladies tropicales négligées. Ce MOOC décrit un ensemble large et représentatif des NTDs et notamment la trypanosomiase humaine africaine. Il aborde le diagnostic, le traitement, la prise en charge des patients, ainsi que les mécanismes de pathogénicité. Étant majoritairement des zoonoses, ces maladies seront abordées dans le contexte du concept "One Health", incluant les aspects vétérinaires, entomologiques, et épidémiologiques spécifiques. |
Cette maladie est un enjeu majeur de santé publique, particulièrement en Afrique centrale où l’élimination reste encore à accomplir dans de nombreux foyers. La maladie du sommeil ne touche plus qu’environ 500 personnes par an, mais certains trypanosomes bouleversent l’équilibre économique des agriculteurs puisqu’ils rendent également malade le bétail porteur. La coût de ces infections animales est estimé à hauteur de quatre milliards de dollars annuels pour le continent africain.
SHERLOCK4HAT: un test ARN pour une détection ciblée ultra-sensible et précise
La découverte portée par l’équipe de Brice Rotureau, directeur de recherche à l’Institut Pasteur Paris et directeur de l’unité parasitologie de l’Institut Pasteur de Guinée, est publiée dans la revue Elife le 23 septembre 2025. Elle entre dans la priorité #1 du plan stratégique de l’Institut Pasteur (Paris) de lutter contre les menaces infectieuses, une mission portée également par le Pasteur Network, réseau dont les instituts à Paris et en Guinée font partie. L’innovation repose sur un tout nouveau test moléculaire. Celui-ci permet d'identifier précisément les espèces parasitaires vivantes dans le sang d’un animal. Ainsi, il est possible de s’appuyer sur les données issues des animaux réservoirs, en particulier d’animaux sentinelles, pour prévenir la transmission à l’humain.
« Grâce à SHERLOCK, nous détectons pour la première fois, de manière fine, les principales espèces de trypanosomes circulant dans des contextes d’élevage très exposés », précise Brice Rotureau. Cette nouvelle méthode a été mise au point en collaboration avec l’équipe de Lucy Glover, directrice de recherche à l’Institut Pasteur Paris. Elle repose sur la détection active d'une région invariable du matériel génétique des trypanosomes propre à chaque espèce. Ce système, d’une sensibilité et d’une spécificité remarquable, permet l’identification des différentes espèces de parasites présentes chez les animaux d’élevage.
Cet outil de surveillance vise à casser la chaîne de transmission des trypanosomes infectieux pour l’humain. Un meilleur diagnostic chez les animaux pourrait permettre de limiter la transmission du parasite à l’humain, en traitant de manière ciblée les animaux infectés.
Une approche collaborative fondée sur la surveillance
Outre l’innovation technologique, l’étude menée en Guinée et en Côte d’Ivoire démontre qu’en Afrique de l’Ouest, les porcs d’élevage constituent des réservoirs pour les trypanosomes pathogènes humains. Le dénombrement des individus animaux porteurs du parasite permet ou non d’alerter et d’orienter les politiques de prévention. L’approche combine le dépistage animal avec une lutte antivectorielle qui passe par une mobilisation communautaire. En effet, en fonction des résultats des tests, des systèmes de pièges contre les mouches tsé-tsé sont distribués et placés par les habitants pour diminuer le risque de piqûre.
« Une des véritables forces de ce projet a été son aspect collaboratif. D’abord par la mise en place d’un consortium international réunissant des équipes de Paris (Institut Pasteur), de Montpellier (IRD), de Guinée et de Côte d’Ivoire. Nous avons aussi conjugué travaux de laboratoire et applications directes sur le terrain, tout en impliquant durablement les populations locales », souligne Brice Rotureau. C’est cette approche collective qui permet d’affiner la carte des infections et qui incite à des mesures préventives pour faire avancer la stratégie “zéro transmission” à 2030 des maladies à trypanosomes en Afrique.
Vers une surveillance élargie et des applications pour d’autres maladies
Ce test ARN ouvre la voie à de nouvelles applications au-delà de la surveillance de la transmission des différentes espèces de trypanosomes. Il pourrait servir prochainement à évaluer la résistance des parasites aux traitements, enjeu de plus en plus urgent face à l’émergence de souches parasitaires multi-résistantes. La surveillance est très utile pour réagir efficacement et viser l'absence de cas humains, mais ses bénéfices ont des limites. « Pour répondre aux contraintes du terrain, nous ambitionnons à adapter ce test pour qu’il soit réalisable de manière rapide et directement en situation. D’autre part, les bénéfices de cette technologie pourraient être étendus à d’autres maladies parasitaires, telles que la maladie de Chagas ou les leishmanioses. », conclut Brice Rotureau.
Source
Roger-Junior Eloiflin, Elena Pérez-Antón ... Brice Rotureau. A SHERLOCK toolbox for the eco-epidemiological surveillance of animal African trypanosomosis reveals a similar parasite diversity in domestic pigs in two ancient sleeping sickness foci in Western Africa. eLife. Sept 22, 2025.