BIRDY : évaluer l’incidence des infections à bactéries résistantes chez les tout-petits

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Le programme de recherche BIRDY s’intéresse aux infections bactériennes, notamment résistantes, chez les tout-petits. A l’occasion de la publication dans la revue The Lancet d’une tribune appelant à accélérer les efforts de recherche et de santé publique dans la lutte contre les infections bactériennes néonatales et la résistance aux antibiotiques dans les pays à faible revenu, le Dr Awa Ndir, épidémiologiste à l’Institut Pasteur de Dakar et coordinatrice du projet au Sénégal, répond à nos questions.

Awa Ndir - Institut Pasteur Dakar
Ci-contre, Dr Awa Ndir, épidémiologiste à l’Institut Pasteur de Dakar.
Photo haut de page : Projet BIRDY au poste de Santé de Fith Mith Guediawaye, Dakar, Sénégal. © Bruno Deméocq / Fondation Total.

La résistance bactérienne est bien connue dans les pays du Nord, touche-t-elle aussi les pays du Sud ?

Des études ont montré qu’il s’agit en réalité d’un problème important dans les pays du sud où le respect des précautions standard lors des soins et particulièrement le niveau de l’hygiène des mains dans les hôpitaux reste encore insuffisant. L’autre problème majeur est la prescription des antibiotiques qui se fait souvent de manière empirique sans analyses bactériologiques préalables pour identifier les germes potentiellement responsables des infections. Ainsi, l’antibiothérapie peut être inadaptée et donc inefficace face à l’infection. D’autre part, les antibiotiques sont largement disponibles dans les marchés parallèles et leur consommation se fait souvent en dehors de toute prescription médicale. La qualité des médicaments issus de ces marchés est très incertaine. Tous ces facteurs peuvent contribuer à l’émergence de la résistance bactérienne.

L’objectif scientifique du projet BIRDY est justement d’évaluer l’incidence des infections à bactéries résistantes chez les nouveaux nés et les jeunes enfants, de comprendre quels sont les facteurs de risques d’acquisition de ces infections et quels sont les mécanismes de transmission. Les infections sévères, sont responsables de plus d’un tiers des décès survenant dans la période néonatale. La question de l’accès rapide à un traitement antibiotique adapté est cruciale. L’émergence et la diffusion de la résistance aux antibiotiques, en rendant le traitement difficile voire impossible et plus onéreux, pourrait avoir un impact sur la mortalité.

Comment le projet se traduit-il concrètement sur le terrain ?

Nous proposons aux femmes enceintes de participer au programme. En réalisant un suivi actif du couple mère-enfant nous avons la possibilité de détecter très rapidement les infections sévères et de les prendre en charge. Des marraines de quartiers appelées « Badjenu Gox » impliquées dans la santé communautaire identifient les femmes enceintes résidant sur les sites de l’étude et leurs proposent de rejoindre le projet. Des enquêteurs, qui sont des sages-femmes ou des infirmiers qualifiés, se chargent ensuite de recruter les femmes enceintes au 3ème trimestre de leurs grossesses. Elles bénéficient alors d’un bilan biologique complet ainsi que la recherche du portage de streptocoques B qui peut être source d’infection sévère et précoce chez le nouveau-né. Les bébés sont ensuite suivis pendant un an par l’équipe d’enquêteurs à domicile. Les mamans sont également formées à la détection des premiers symptômes d’infections et à la prise de température quotidienne pendant le premier mois de l’enfant. Lorsqu’ils sont malades, les enfants sont pris en charge à l’hôpital par un pédiatre référent. En cas de suspicion d’infection, des prélèvements sont réalisés et l’Institut Pasteur de Dakar effectue les analyses pour identifier l’origine bactérienne ou virale des infections.

Vous assurez également la formation des personnels de santé ?


Oui nous renforçons les capacités des personnels de santé, des sages femmes mais aussi des matrones qui sont très impliquées ici dans les accouchements. Nous les formons à l’Institut Pasteur de Dakar à effectuer correctement les prélèvements vaginaux et sanguins. Nous avons également organisé des formations sur les soins de base des nouveau-nés et la réanimation néonatale destinées aux personnels des structures de santé du projet en partenariat avec les pédiatres référents au Sénégal. La mise en place de ce projet, grâce à l’application d’un algorithme de prise en charge des infections, adapté des recommandations OMS, permet de meilleures pratiques en matière de prescription d’antibiotiques. Le programme permet un accès facilité à l’identification de la bactérie responsable de l’infection et à la détermination de sa sensibilité aux antibiotiques permettant d’adapter le traitement. A terme, le suivi de l’épidémiologie bactérienne locale sera utile pour guider les prescriptions des médecins, avant les résultats des analyses ou lorsque la bactérie responsable n’a pas été identifiée. Il est donc primordial de renforcer la capacité des laboratoires qui jouent un rôle central dans la prise en charge des infections chez les enfants et d’encourager le développement de tests de diagnostic rapide facilement utilisables dans les pays à bas revenus.

En savoir plus sur le programme BIRDY
Lire la tribune publiée dans la revue The Lancet
 

Le projet de recherche BIRDY est actuellement mis en place sur trois sites :
- à Madagascar en partenariat avec l’Institut Pasteur de Madagascar et avec le soutien de la Principauté de Monaco,
- au Sénégal en partenariat avec l’Institut Pasteur de Dakar  avec le soutien de la Fondation Total,
- et au Cambodge en partenariat avec l’Institut Pasteur du Cambodge et avec le soutien de MSD AVENIR.

Mis à jour le 19/02/2016

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