" Le glaive et le bouclier " : comment les bactéries développent leur virulence en créant de multiples variants

Communiqué de presse
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Des chercheurs de l'Institut Pasteur et de l'Inserm associés à une équipe de l'Imperial College de Londres viennent d'expliquer pourquoi les bactéries Shigella flexneri, responsables de dysenteries mortelles, comportent plusieurs variants (sérotypes), optimisant ainsi leur virulence. Cette découverte, publiée dans Science, est essentielle dans le contexte de la recherche vaccinale : pour être efficace, un vaccin doit en effet protéger contre les différents sérotypes de la bactérie.

 

 

Communiqué de presse
Paris, le 25 février 2005

 

 

La shigellose est la plus meurtrière des maladies diarrhéiques : elle tue chaque année entre 600 000 et un million de personnes dans le monde, essentiellement des enfants de moins de 5 ans.
Pour lutter efficacement contre cette maladie et développer des armes thérapeutiques ou vaccinales, il est indispensable de comprendre quels sont les mécanismes utilisés par la bactérie pour franchir la barrière intestinale et envahir les cellules. Ce sont ces stratégies que viennent de décrypter les chercheurs de l’Unité de Pathogénie Microbienne Moléculaire - Unité Inserm 389, dirigée par Philippe Sansonetti à l’Institut Pasteur.

Cette équipe avait récemment montré que la bactérie envahissait les cellules intestinales grâce à l’utilisation d’une seringue moléculaire (l’appareil de sécrétion de type III) dont l’aiguille, telle une épée, est capable de transpercer la paroi des cellules, permettant à la seringue d’injecter les protéines responsables des effets pathogènes. On savait d’autre part, que Shigella se protégeait du système immunitaire de l’homme par un "bouclier", sorte de manteau moléculaire constitué de longues chaînes de sucres qui enveloppe la bactérie (le lipopolyoside ou LPS).
Le paradoxe de ce système est que le LPS qui sert de bouclier recouvre partiellement la seringue, diminuant ainsi les capacités d’invasion de la bactérie.

Philippe Sansonetti avec deux équipes collaboratrices à l’Institut Pasteur (Plate Forme de Microscopie Electronique et Unité de résonance Magnétique des biomolécules) et Christophe Tang de l’Imperial College de Londres viennent de découvrir la stratégie ingénieuse utilisée par la bactérie Shigella pour contrer ce paradoxe et assurer sa survie pour envahir l’organisme.

Les chercheurs ont montré comment la bactérie était capable de transformer son bouclier pour favoriser l’action de la seringue. Les bactéries ont la capacité de modifier, par une simple activité enzymatique, les molécules protectrices (LPS) pour les raccourcir. Ce changement diminue l’épaisseur du bouclier bactérien sans altérer son efficacité et permet l’émergence de la seringue moléculaire, ce qui facilite son action.
En dévoilant cette stratégie, les chercheurs ont surtout découvert qu’elle pouvait être à l’origine des différents sérotypes de Shigella : toutes modifient leur bouclier de façon légèrement différente, ce qui conduit à des " signatures moléculaires " particulières.
Dans un contexte où la recherche vaccinale vise à protéger contre les différents sérotypes de Shigella pathogènes, la compréhension de ce phénomène est fondamentale.

Sources

" Optimisation of virulence functions through glucosylation of Shigella LPS " Science, 25 février 2005
Nicholas P. West (1), Philippe Sansonetti (2), Joëlle Mounier (2), Rachel M. Exley (1), Claude Parsot (2), Stéphanie Guadagnini (3), Marie-Christine Prévost (3), Ada Prochnicka-Chalufour (4), Muriel Delepierre (4), Myriam Tanguy (2), et Christoph M. Tang (1)

(1) Centre for Molecular Microbiology and Infection, Department of Infectious Diseases, Faculty of Medicine, Flowers Building, Imperial College London
(2) Unité de Pathogénie Microbienne Moléculaire & Unité INSERM 389
(3) Plate-Forme de Microscopie Electronique , Institut Pasteur
(4) Unité de Résonance Magnétique Nucléaire des Biomolécules, URA 2185 CNRS INSERM U 389

Contact presse

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