L’unité d’Immunologie humorale de l'Institut Pasteur a découvert des anticorps neutralisants puissants contre le virus de l’hépatite E (VHE). Ils pourraient être utilisés en prévention ou traitement contre ces infections qui touchent environ 20 millions de personnes dans le monde chaque année. Des analyses structurales, menées avec la plateforme de Nanoimagerie, ont permis de voir à l’échelle atomique le site neutralisant reconnu par ces anticorps. Ces résultats constituent une base pour la conception rationnelle de vaccins et d’immunothérapies contre le VHE.
L’infection par le virus de l’hépatite E (VHE) représente la principale cause d’hépatite aiguë, touchant chaque année environ 20 millions de personnes dans le monde et entraînant 30 000 à 40 000 décès. Si l’infection par le VHE est le plus souvent bénigne, elle peut néanmoins évoluer vers des formes graves, notamment une insuffisance hépatique aiguë potentiellent fatale chez les femmes enceintes, ainsi qu’une hépatite chronique chez les personnes immunodéprimées.
Les anticorps dirigés contre la protéine de capside située à la surface du virus jouent un rôle essentiel pour le contrôle et la protection contre l’infection, mais leurs propriétés demeurent largement méconnues. À ce jour, aucun traitement antiviral spécifique contre l’infection aiguë par le VHE n'est disponible et, bien qu’il existe un vaccin efficace pour prévenir l’infection, celui-ci n’est homologué qu’en Chine et son usage est principalement recommandé en réponse aux épidémies.
Dans l’étude menée par l’unité d’Immunologie humorale, dirigée par Hugo Mouquet, les chercheurs ont procédé à une caractérisation détaillée de plus d’une centaine d’anticorps monoclonaux humains spécifiques de la protéine de capside (CA) du VHE, qu’ils ont produits à partir des lymphocytes B mémoires d’individus en rémission après exposition au virus. La majorité de ces anticorps reconnaissent les différents variants du VHE et interagissent également le virus de l’hépatite E du rat, une menace zoonotique importante pour l’humain.
Parmi ces divers anticorps, les scientifiques ont identifié des anticorps neutralisants puissants qui interagissent avec le domaine P (protuding ou protubérant) de la protéine CA. Ils ont procédé à des analyses structurales par microscopie cryo-électronique de la protéine CA en complexe avec trois de ces anticorps neutralisants à large spectre. Ces analyses, menées en collaboration avec Eduard Baquero Salazar de la plateforme de Nanoimagerie, ont permis d’identifier à l’échelle atomique le site neutralisant reconnu par ces anticorps, situé sur deux boucles du domaine P à l’apex de la spicule virale.
Ces résultats apportent un éclairage précieux sur la réponse humorale protectrice contre le VHE et offrent une base solide pour la conception rationnelle de vaccins et d’immunothérapies contre le VHE. En effet, ces anticorps neutralisants représentent des candidats prometteurs pour des interventions prophylactiques et/ou thérapeutiques contre les infections par le VHE. Plus particulièrement, des versions dotées d'une une demi-vie allongée par ingénierie des anticorps prolongeant ainsi leur durée d’action, pourraient fournir une immunité protectrice aux populations immunodéprimées et aux femmes enceintes.
Ces travaux ont étés publiés en mai 2025 dans la revue Science Advances.
Références :
Structural Basis for Hepatitis E Virus Neutralization by Potent Human Antibodies. Luis M. Molinos-Albert, Eduard Baquero, Cyril Planchais, Virginie Doceul, Hicham El Costa, Estelle Mottez, Vincent Mallet, Stanislas Pol, Matthew L. Albert, Nicole Pavio, Cécile Alanio, Jordan D. Dimitrov, Hugo Mouquet. Sci Adv. 2025 May 9;11(19):eadu8811. doi: 10.1126/sciadv.adu8811. Epub 2025 May 7. PMID: 40333967