Surdité

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500 millions de malentendants dans le monde
6 millions de malentendants en France
7cause mondiale d’invalidité au quotidien en 2030   
 

Introduction

En privant les malentendants de l’interaction sociale étroitement liée à la perception de la parole, les atteintes de l’audition engendrent une souffrance psychologique importante liée à l’isolement, souvent associée à un état dépressif. Cette rupture du lien social peut conduire à une perte d’autonomie progressive. Il est établi depuis peu que les atteintes auditives survenant chez l’adulte autour de la cinquantaine constituent le premier facteur de risque de la démence.

Aujourd’hui, un espoir est permis grâce d’une part aux avancées pionnières réalisées en particulier dans le laboratoire de « génétique et physiologie de l’audition » de l’Institut Pasteur et d’autre part à la création d’un institut dédié à l’audition, l’Institut de l’Audition, un nouveau centre de recherche de l’Institut Pasteur, à l’initiative de la Fondation pour l’Audition. Les avancées réalisées permettent :

  • d’étendre la recherche aux formes de surdités d’apparition tardive, aux atteintes centrales du système auditif, et aux pertes de l’audition induites par son principal agresseur, le bruit ;
  • de développer une nouvelle médecine dédiée à la prise en charge de la surdité, en couplant approches diagnostiques innovantes et mise au point de solutions thérapeutiques curatives (de la cochlée et des neurones qui innervent le système auditif).

L’Institut de l’Audition, par le regroupement d’experts du domaine qui s’étend de la biophysique aux neurosciences cognitives, crée les conditions de découvertes majeures portant sur la compréhension du développement et du fonctionnement du système auditif dans son ensemble, dans une dimension multi-échelle allant de la molécule au comportement. De plus, la recherche translationnelle de l’Institut de l’Audition,  bénéficie des meilleurs atouts : une expertise de haut niveau en neurosciences fondamentales de l’audition, un Centre de Recherche dédié à l’Innovation en Audiologie Humaine (CERIAH) et des collaborations avec les ORLs des services pédiatriques et adultes de l’AP-HP, des hôpitaux et CHUs en région (Clermont Ferrand, Lyon et Bordeaux) , les ORLs du secteur privé et les autres professionnels de la santé auditive, en particulier les audioprothésistes. 

Les causes des atteintes de l’audition

Les formes de surdité sont multiples et variées. Elles peuvent être classées selon :

  • le degré de la perte auditive en surdité légère, modérée, sévère ou profonde ;
  • l’association ou non à d’autres signes cliniques, en surdité isolée ou syndromique ;
  • l’emplacement de l’atteinte primaire du système auditif, en surdités de transmission (mécaniques), liées à un défaut de l’oreille externe ou de l’oreille moyenne, et en surdité de perception (neurosensorielle), liée à un défaut situé en un emplacement quelconque du système auditif, de la cochlée au cortex cérébral auditif.

On distingue schématiquement les causes génétiques et les causes environnementales des atteintes auditives. Dans les pays développés, les surdités sévères ou profondes décelées à la naissance ou en période pré-linguale (avant l’âge d’acquisition du langage), sont principalement dues à des atteintes géniques. Il s’agit de formes de surdités dont l’atteinte d’un seul gène rend compte de chacune d’elles (formes mono-géniques de surdité). Des facteurs génétiques sont également impliqués dans la surdité liée à l’âge, la presbyacousie, dont le déchiffrage est encore limité. 

Les causes environnementales regroupent des causes infectieuses (infections prénatales par le cytomégalovirus (CMV), otites virales ou bactériennes…), et iatrogènes (prise de médicaments ototoxiques : certains antibiotiques (comme les aminoglycosides) et certains traitements chimio-thérapeutiques (cisplatine)).             
L’agresseur principal du système auditif, à tout âge et à l’échelle planétaire, est la surexposition sonore. De ce fait, le système auditif est le système sensoriel le plus vulnérable aux changements environnementaux liés à l’urbanisation. 

Pour chacun des facteurs environnementaux mentionnés ci-dessus, il existe des facteurs de susceptibilité génétique qui expliquent la variabilité des atteintes auditives d’un individu à l’autre, en réponse à une même exposition à ces agents environnementaux. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 1,1 milliard de jeunes sont aujourd’hui soumis à un risque de pertes auditives, principalement par l’écoute musicale prolongée et à forte intensité (écoute au casque et baladeurs audionumériques). 

Les surdités de transmission, souvent consécutives à des otites, sont légères ou moyennes. Ces surdités sont parfois favorisées par des malformations de l’oreille (comme l’aplasie) intégrées dans un syndrome héréditaire. L’otospongiose,à l’origine d’une surdité de transmission survenant autour de la trentaine est due à uneatteinte de l’étrier, osselet de l’oreille moyenne, d’origine génétique et environnementale. 

La prévalence des surdités de perception ou neurosensorielles est bien supérieure à celle des surdités de transmission. Il s’agit dans la plupart des cas d’atteintes cochléaires. Le degré de la perte auditive est variable. Les surdités de perception sévères ou profondes, et sont en règle générale causées par des atteintes géniques. S’y ajoutent celles déclenchées par un traumatisme sonore et les surdités brusques dont l’origine est largement méconnue. En France, elles touchent un enfant sur 700 à la naissanceet environ un jeune adulte sur 500 avant l’âge de 20 ans. Ce déficit est notamment à l’origine de grandes difficultés dans l’acquisition du langage oral et dans les apprentissages scolaires. La prise en charge d’un enfant malentendant est éducative, orthophonique et prothétique (prothèse conventionnelle ou implant cochléaire). 
La presbyacousie, surdité neurosensorielle liée à l’âge, représente environ 90% des atteintes auditives. Elle est sous la dépendance de facteurs génétiques mais aussi environnementaux, au premier rang desquels, la surexposition au bruit.Aujourd’hui, on estime qu’environ un tiers de la population de plus de 65 ans souffre de presbyacousie. Le nombre des personnes atteintes de presbyacousie ne cesse de croître en raison du vieillissement de la population et de la surexposition sonore, liée à la continuelle augmentation de la densité de la population dans les villes.

Notons que les atteintes auditives liées à la surexposition à des bruits continus ou l’exposition à des bruits impulsionnels constituent le premier poste de dépenses de santé des armées aux États-Unis et le second en France.

Au cours des 25 dernières années, la surdité neurosensorielle du sujet jeune a été démembrée en plus d’une centaine d’entités distinctes, chacune étant identifiée par l’altération d’un gène spécifique. L’approche génétique, fondée sur l’étude des formes héréditaires de surdité chez l’homme, a aussi été particulièrement efficace pour déchiffrer la physiologie moléculaire de la cochlée. Considérons par exemple le syndrome de Usher, un handicap sensoriel particulièrement invalidant parce qu’il touche à la fois l’audition, la vision et dans certaines formes également l’équilibre. Grâce à la découverte des gènes responsables de la forme la plus sévère et à la compréhension des atteintes auditives correspondantes par des chercheurs du laboratoire de génétique et de physiologie de l’Institut Pasteur, c’est la composition de la machinerie moléculaire de conversion de l’énergie sonore en signaux électriques qui a été découverte. En parallèle, grâce au diagnostic moléculaire fondé sur la découverte des gènes impliqués, les enfants atteints par ce syndrome, sont diagnostiqués dès la naissance soit bien longtemps avant l’apparition de l’atteinte visuelle. Ils bénéficient en conséquence d’une prise en charge de plus en plus précoce et de façon prioritaire de l’implantation cochléaire. 

L’épidémiologie

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 466 millions de personnes dans le monde ont aujourd’hui une déficience auditive handicapante et 34 millions d'entre elles sont des enfants. Les experts estiment que d’ici 2050, plus de 900 millions de personnes, soit une personne sur 10, souffrira d’une atteinte auditive invalidante.    

La prise en charge des surdités

Les surdités de transmission sont pour la plupart traitables par les antibiotiques ou la chirurgie. Les surdités neurosensorielles, quant à elles, ne le sont pas. A ce jour, seul le recours à des prothèses est possible selon la sévérité et le site de l’atteinte :

  • prothèses auditives conventionnelles ;
  • implants cochléaires. 

Les prothèses conventionnelles sont des amplificateurs sonores dont le traitement numérique des sons a considérablement amélioré l’efficacité ; elles s’adressent aux personnes dont la surdité est modérée ou sévère. L’implant cochléaire est un système électro-acoustique qui court-circuite les cellules sensorielles et stimule directement les neurones du nerf auditif. Il s’adresse aux enfants et aux adultes atteints de surdité profonde sous réserve de la préservation des neurones du nerf auditif et neurones qui, au-delà, véhiculent et traitent l’information auditive. Les sons captés par un microphone externe sont transmis à un microprocesseur externe qui les code en signaux électriques. Ces signaux électriques codés sont distribués entre des électrodes dont chacune stimule un groupe de neurones du nerf auditif. Les succès de l’implantation cochléaire sont amplement démontrés chez le jeune enfant. Ils dépendent étroitement de la plasticité cérébrale qui va modeler les réseaux neuronaux du cortex auditif sur les signaux électriques codant le son qu’il reçoit. Chez l’adulte sourd profond depuis la période pré-linguale, cette période de plasticité étant révolue depuis longtemps, les résultats de l’implantation cochléaire sont nettement plus limités et sont acquis au prix d’une longue réhabilitation assurée par les orthophonistes. Chez l’adulte devenu sourd profond, le cerveau auditif antérieurement développé s’adaptera au nouveau codage électrique des sons que fournit l’implant cochléaire. Avec l’implant cochléaire, l’écoute dans le bruit comme l’écoute musicale, ne sont toutefois pas satisfaisantes.

Illustrant les limites possibles de l’implantation cochléaire en fonction de l’atteinte auditive sous-jacente, les chercheurs de l’Institut Pasteur ont montré que, dans une forme particulière de surdité, la neuropathie auditive DFNB59 due à un déficit en une protéine, la pevjakine, les neurones du nerf auditif sont atteints. Ils présentent une hypervulnérabilité à toute stimulation acoustique ou électrique. En conséquence, la stimulation électrique que produit l’implant cochléaire pourrait ne pas avoir l’effet bénéfique escompté. 

L’audition à l’Institut Pasteur

Le laboratoire de Génétique et physiologie de l’audition de l’Institut Pasteur, dirigée par la Professeure Anne-Lise Giraud, a identifié les premiers gènes responsables de surdité à partir des années 1990, et au total ceux responsables d’une vingtaine de formes parmi les plus fréquentes. Associé à une recherche interdisciplinaire, il a découvert des complexes et réseaux moléculaires qui jouent un rôle critique dans le traitement des sons au sein de la cochlée et a ainsi fait entrer l’audition dans l’ère moléculaire. En parallèle, il a mis au jour les mécanismes défectueux dans de nombreuses formes génétiques de surdité. Ce déchiffrage de la pathogénie d’un grand nombre de surdités héréditaires a fourni les conditions d’une recherche d’authentiques thérapies de restauration de l’audition. Les chercheurs de ce laboratoire ont ainsi réussi à restaurer l’audition dans plusieurs modèles animaux de ces surdités humaines en utilisant des approches de thérapie génique. 

Illustrant ces avancées de la thérapie génique, des chercheurs (du laboratoire de génétique et physiologie de l’audition de l’Institut Pasteur , de l’Inserm, du CNRS, du Collège de France, de Sorbonne Université et et de l’université Clermont Auvergne, en collaboration avec les universités de Miami, Columbia et San Francisco), sont parvenus à restaurer l’audition au stade adulte chez un modèle murin de la surdité DFNB9, un trouble auditif représentant l’un des cas les plus fréquents de surdité congénitale d’origine génétique. L’atteinte auditive est due à un déficit en une protéine, l’otoferline. La restauration totale du seuil auditif chez ce modèle murin sourd profond a été obtenue par transfert dans la cochlée de l’ADN codant l’otoferline.
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Une autre collaboration (Laboratoire de Génétique et physiologie de l’audition de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de Sorbonne universités, du Collège de France, en collaboration avec l’université de Bordeaux) a permis d’élucider la physiopathologie d’une perte de l’audition liée à l’atteinte de la clarine-1, une molécule essentielle au système auditif. Son absence serait en effet responsable d’une surdité progressive, apparaissant après l’acquisition du langage, qui pourrait être prévenue par une thérapie génique ciblée des cellules sensorielles de l’oreille interne.
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L’Institut de l’Audition

C’est dans un contexte très porteur que l’Institut Pasteur inaugure l’Institut de l’Audition, un nouveau centre de recherche fondamentale et médicale, interdisciplinaire, dont l'objectif est de promouvoir une approche intégrative des neurosciences de l'audition et de développer des méthodes innovantes de diagnostic et de traitement préventif et curatif des atteintes auditives. 
Il a été créé par la Professeur Christine Petit avec le soutien et l’appui financier de la Fondation Pour l’Audition et est actuellement dirigé par Anne-Lise Giraud.

L’Institut de l’Audition a pour objectif de :

  • Conduire une recherche fondamentale d’excellence visant à élucider les principes et les mécanismes qui sous-tendent : le développement et le fonctionnement du système auditif, la plasticité du système auditif, la perception et la cognition auditives, la communication sonore, l’intégration multisensorielle et les interactions entre génome et environnement sonore;
  • Développer les approches translationnelles visant :
    - la compréhension de la pathogenèse des atteintes neurosensorielles de l’audition, en particulier celle de la presbyacousie, des autres surdités progressives, des surdités brusques, des surdités liées à la surexposition sonore y inclus les traumatismes acoustiques, des troubles centraux de l’audition et des démences qui surviennent en association avec des pertes auditives (dont on ne sait si elles sont les conséquences de ces dernières, ou relèvent de mécanismes pathogéniques communs)…
    - le développement d’outils multiparamétriques et intégrés du diagnostic des atteintes auditives,
    - le développement de thérapeutiques innovantes (thérapies géniques, pharmacologiques, et bientôt thérapies cellulaires) chez l’enfant comme chez l’adulte jeune ou vieillissant ; le passage à des études précliniques de thérapie génique portant sur  la cochlée prépare aujourd’hui les essais cliniques qui seront menés chez l’homme. Le développement de thérapie s’étendra aux troubles de l’équilibre qui ont pour origine une atteinte du vestibule.
  • Diffuser les connaissances générées au sein de l’Institut auprès de la communauté scientifique, internationale, médicale et paramédicale, ainsi que les enjeux de ces découvertes auprès des malentendants. Sensibiliser le grand public aux problématiques associées à la malentendance.

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Juillet 2019

 

 

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