La rage chez les chauves-souris

Communiqué de presse
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La plus vaste étude de surveillance active de la rage jamais réalisée chez des chauves-souris vient d'être menée par des chercheurs de l'Institut Pasteur et des chercheurs espagnols. Publiée demain dans PLoS ONE, elle a permis d'évaluer la dynamique de l'infection chez ces animaux réservoirs, avec des retombées utiles en santé publique. Elle confirme également l'existence d'un risque, bien que limité, de passage de virus rabiques des chauves-souris à l'homme.

 

Communiqué de presse
Paris, 27 juin 2007

 

 

La rage est une maladie systématiquement mortelle en l’absence de traitement, qui est à l’origine de quelque 50 000 décès annuels dans le monde, le plus souvent suite à une infection transmise par un chien enragé. Différents animaux domestiques ou sauvages peuvent transmettre les lyssavirus responsables de la maladie, dont les chauves-souris. Ces dernières sont en effet à l’origine de rares cas humains : quatre cas confirmés de rage suite à une morsure de chauve-souris, survenus en Finlande, en Ecosse, en Ukraine et en Russie, ont été décrits en Europe depuis 1985.

Il existe environ 1000 espèces de chauves-souris, qui représentent 20% des mammifères, et hébergent une diversité virale encore assez méconnue. Elles servent de réservoirs à nombre de virus émergents (Ebola, Hendra, Nipah…), d’où l’intérêt d’étudier de plus près les virus qui les infectent.

C’est l’objet de l’étude qui vient d’être menée par l’unité Dynamique des lyssavirus et adaptation à l’hôte à l’Institut Pasteur, dirigée par Hervé Bourhy, et l’équipe de Jordi Serra-Cobo, du département de Biologie animale de l’Université de Barcelone en Espagne.

Deux cohortes de chauve-souris insectivores de l’espèce Myotis myotis (voir photo), soit plus de 800 animaux au total, ont été suivies aux îles Baléares en Espagne sur une période de 12 ans. Par des techniques de captures-marquages-recaptures accompagnées de prélèvements et de baguages, et grâce à l’adaptation de modèles mathématiques de modélisation à ce suivi particulier, les chercheurs ont pu appréhender la dynamique de l’infection par un lyssavirus chez ces animaux.

Ils ont montré que les infections survenaient par vagues, dont la période variait dans le temps en fonction du taux d’individus présentant une immunité humorale. Ils ont pu calculer le temps - 5 jours en moyenne - durant lequel une chauve-souris infectée était contaminante. Enfin, ils ont démontré que l’infection par les lyssavirus ne provoquait pas de mortalité chez les chauves-souris, contrairement à ce qui survient chez les réservoirs animaux terrestres des virus rabiques (renards, chiens…).

" Ce point est important en terme de santé publique, dans la mesure où l’infection chez ces animaux ne provoque pas forcément de changements de comportement, comme cela a lieu chez le chien par exemple ", souligne Hervé Bourhy. " Par ailleurs, même si nous confirmons le risque potentiel de passage à l’homme des lyssavirus de chauve-souris, nous montrons, du moins vis-à-vis de l’espèce étudiée, que ce risque est limité dans le temps, et qu’il ne persiste pas. La dynamique de l’infection chez les chauves-souris mise en évidence par notre étude conforte la décision prise en Europe de protéger ces animaux et de ne pas détruire les colonies dans lesquelles il y a de la rage. La seule mesure raisonnable aujourd’hui est, comme cela a été fait aux Baléares, d’interdire l’accès aux grottes abritant des chauve-souris susceptibles d’être infectées. "

Aujourd’hui, l’équipe d’Hervé Bourhy, en collaboration avec une autre unité de l’Institut Pasteur et l’équipe de l’Université de Barcelone, vise à étudier les mécanismes pouvant conduire à une explosion de l’infection dans des colonies de chauve-souris. Elle est également co-coordinatrice, avec l’Institut Pasteur de Tunis, du programme européen RABMEDCONTROL (voir fiche en annexe), qui comprend un volet d’étude sur les chauves-souris : il s’agit ici d’analyser les voies de migration de ces animaux entre l’Afrique et l’Europe, à travers différents points d’étude (Espagne, Maroc, Tunisie, Sicile et Calabre en Italie, Egypte), et la circulation parallèle des lyssavirus, en vue de comprendre l’épidémiologie de ces virus.

Rappelons qu’il est strictement interdit en France et en Europe de tuer, de capturer, de transporter ou de commercialiser des chauves-souris, qu’il ne faut pas chercher à attraper une chauve-souris malade ou toucher à un cadavre de chauve-souris, et qu’il est vivement conseillé en cas de morsure, griffure ou léchage par de tels animaux de consulter rapidement un centre anti-rabique. " Il faut néanmoins souligner qu’en France, le risque vient essentiellement d’animaux (chiens, singes) importés illégalement ", rappelle Hervé Bourhy, également responsable du Centre National de Référence de la rage. On se souvient de l’épisode du chiot importé du Maroc qui avait déclenché lors de l’été 2004 une alerte à la rage sur le territoire français.

Sources

" Temporal dynamics of european bat lyssavirus type 1 and survival of Myotis myotis bats in natural colonies ", PLoS ONE, 27 juin 2007.
Blanca Amengual (1,2), Hervé Bourhy (1), Marc Lòpez-Roig (2) et Jordi Serra-Cobo (2)

1. Unité postulante de recherche et d’expertise Dynamique des lyssavirus et adaptation de l’hôte
2. Département de Biologie Animale, Université de Barcelone, Barcelone, Espagne

Contact presse

Service de presse de l’Institut Pasteur - Nadine Peyrolo ou Corinne Jamma :
01 40 61 33 41/ cjamma@pasteur.fr

Mobilisation contre la réémergence de la rage : des Instituts Pasteur engagés avec l'Union Européenne

Le coup d’envoi de RABMEDCONTROL, grand projet de lutte contre la rage financé par l’Union Européene, a été donné en septembre 2006 à l’Institut Pasteur de Tunis. Ce projet, financé à hauteur de 1,1 millions d’euros sur 3 ans, est coordonné par les Instituts Pasteur de Tunis et de Paris. Il implique de nombreux organismes de recherche et de santé publique et vétérinaire de 3 pays du sud-ouest de l’Europe et de 4 pays d’Afrique du Nord. Quatre instituts appartenant au Réseau International des Instituts Pasteur participent à ce programme.

Le programme RABMEDCONTROL a pour objectif d’éliminer la rage d’Afrique du Nord où elle est encore responsable de plusieurs centaines de décès humains chaque année. Les laboratoires concernés ont entamé une étude épidémiologique de la maladie au sein de foyers endémiques d’Afrique du Nord afin d’établir les différentes raisons épidémiologiques et sociologiques qui expliquent la persistance de la rage dans ces pays malgré tous les efforts déployés. Le programme européen analyse aussi les voies qui permettent au virus d’atteindre les côtes méditerranéennes de l’Europe : étude de l’impact des importations illégales de carnivores domestiques contaminés, et en particulier de chiens ; étude d’espèces de chauves-souris vivant sur les deux rives de la Méditerrannée et pouvant servir de vecteurs et de réservoirs au virus.

L’ensemble de ces données devrait permettre à terme de proposer aux autorités de santé des stratégies efficaces d’élimination de cette terrible maladie en Afrique du Nord.

Laboratoires participants :
Institut Pasteur, Paris, France
Institut Pasteur de Tunis, Tunisie
Institut Pasteur d’Alger, Algérie
Laboratoire Biopharma, Maroc
Laboratoire Régional d’Analyses et de Recherches Vétérinaires de Casablanca, Maroc
Institut Pasteur du Maroc, Casablanca, Maroc
Université de Barcelone, Barcelone, Espagne
Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), Malzeville, France
Instituto de Salud Carlos III, Madrid, Espagne
Instituto Zooprofilattico Sperimentale delle Venezie, Legnaro, Italie
Faculté de Médecine Vétérinaire, Egypte

Site web : www.rabmedcontrol.org
Contacts
Service de presse de l’Institut Pasteur - Nadine Peyrolo ou Corinne Jamma :
01 40 61 33 41/ cjamma@pasteur.fr

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