Le chikungunya, maladie transmise par les moustiques, semble se répandre à partir d’infections centrées dans et autour de la maison, avec des femmes beaucoup plus susceptibles de devenir malades. C’est le résultat d’une nouvelle étude de l’Institut Pasteur à Paris, avec la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health (Etats-Unis), et l’International Centre for Diarrhoeal Disease Research (icddr,b, Bangladesh).
Comment les autorités sanitaires peuvent-elles combattre le chikungunya ? Ou d’autres maladies transmises par un moustique vecteur, comme par exemple la dengue, la fièvre jaune ou Zika ? Des chercheurs* ont découvert que les flambées infectieuses de chikungunya semblent se répandre dans et autour de la maison, et touche davantage les femmes. Leurs travaux offrent une nouvelle voie pour la réponse aux épidémies pour une variété de maladies transmises par le moustique du genre Aedes.
« Quand il y a une épidémie, nous étudions généralement les personnes malades et essayons de comprendre pourquoi elles ont été infectées, explique Henrik Salje, chercheur post-doctorant au Johns Hopkins et chercheur invité à l’Institut Pasteur. Ici, nous avons non seulement étudié les personnes touchées par le chikungunya, mais aussi celles qui ont évité la maladie. Cela nous a permis de déterminer les facteurs pouvant avoir un impact sur ceux qui tombent malades et ceux restent sains. » Une piste pour déterminer la meilleure façon d’intervenir.
Les chercheurs ont étudié une épidémie de chikungunya, ayant surgi en 2012 dans un petit village rural au Bangladesh, Palpara, situé à 90 kilomètres de la capitale (Dacca). Les équipes ont visité tous les foyers du village, et interrogé ainsi 1933 personnes. Près de 18% ont déclaré avoir eu des symptômes compatibles avec le chikungunya (fièvre avec douleurs articulaires graves ou éruption cutanée). Et, même si le chikungunya ne se transmet pas d’homme à homme, les cas s’observaient une fois sur quatre dans le même foyer et dans la moitié des cas dans les familles habitant à moins de 200 mètres.
* Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health (Etats-Unis), Institut Pasteur (Paris, France), International Centre for Diarrhoeal Disease Research - icddr,b (Bangladesh), Institute of Epidemiology Disease Control & Research (Bangladesh).Un moustique du genre Aedes, vecteur de maladies comme le Chikungunya, la dengue ou Zika. © Institut Pasteur
En parallèle, les chercheurs ont examiné les habitudes de déplacement de la population bangladaise : les femmes passent deux tiers de leur temps à la maison, les hommes moins de la moitié de leur temps. Lorsqu’on sait que les moustiques infectés ne voyagent pas loin, et demeurent souvent dans le même foyer pendant des jours, le fait de rester à la maison semble être un déterminant important pour l’infection au cours d’une épidémie de chikungunya. Dans l’ensemble, les femmes vivant à Palpara étaient 1,5 fois plus susceptibles de développer le chikungunya que les hommes.
Emily Gurley, directrice du Programme pour les maladies émergentes au centre de recherche bangladais icddr,b résume : « Les moustiques semblent piquer quelqu’un dans un foyer, sont alors infecté, puis vont piquer quelqu’un d’autre dans la même maison ou à proximité. Les femmes étant dans et autour de leur maison semblent être exposées à un risque accru de contracter le virus. »
Dans le cas du chikungunya, de Zika et bien d’autres maladies transmises par les moustiques, il n’y a pas de vaccin, ni de moyen efficace de lutter contre les moustiques, et les traitements disponibles sont limités. « Toutefois, lorsque des interventions efficaces deviennent possibles, ces travaux suggèrent qu’elles devraient cibler les populations les plus à risque, qui passent beaucoup de temps dans et autour de leurs maisons. »
Les chercheurs ont utilisé des méthodes statistiques pour démêler les nombreux facteurs qui déterminent comment une épidémie se propage et quelle personne est infectée. « Cette étude démontre comment on peut combiner des données soigneusement collectées avec des outils informatiques pour comprendre la propagation d'un pathogène », explique Simon Cauchemez, responsable de la modélisation mathématique des maladies infectieuses de l'Institut Pasteur. « En recueillant de l’information sur la communauté dans son ensemble et pas seulement en comptant les personnes qui sont tombées malades, les futures enquêtes sur les épidémies pourront mieux comprendre comment une épidémie progresse et, finalement, aider à la contrôler. »
Source
How social structures, space and behaviors shape the spread of infectious diseases: chikungunya as a case study, PNAS, 7 novembre.
Henrik Saljea,b,c,d,1, Justin Lesslera, Kishor Kumar Paule, Andrew S. Azmana, M. Waliur Rahmane,f, Mahmudur Rahmanf, Derek Cummingsa,g, Emily S. Gurleye,2, and Simon Cauchemezb,c,d,2
a Department of Epidemiology, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, Baltimore, MD 21205;
b Unité Modélisation Mathématique des Maladies Infectieuse, Institut Pasteur, Paris 75015, France;
c Centre National de la Recherche Scientifique, URA3012, Paris 75015, France;
d Centre de Bioinformatique, Biostatistique et Biologie Intégrative, Institut Pasteur, Paris 75015, France;
e Center for Communicable Diseases, International Centre for Diarrhoeal Disease Research, Bangladesh, Mohakhali, Dhaka 1212, Bangladesh;
f Institute of Epidemiology Disease Control & Research, Mohakhali, Dhaka 1212, Bangladesh;
g Department of Biology, University of Florida, Gainesville, FL 32603
Mis à jour le 10/11/2016