L’apport des nouvelles technologies pour comprendre la propagation des maladies infectieuses en milieu hospitalier

Communiqué de presse
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En étudiant conjointement les interactions entre tous les individus présents dans un établissement hospitalier, l’expérimentation i-Bird (Individual-based Investigation of Resistance Dissemination), a permis de mieux cerner les facteurs de propagation et de transmission des bactéries responsables d’infections nosocomiales. Des résultats qui tendent à confirmer l’utilité des nouvelles technologies dans l’analyse des épidémies. La revue PLOS Computational Biology vient de publier les premiers résultats de ce projet de recherche dirigé par des équipes de l’Inserm, de l’Institut Pasteur, de l’ENS de Lyon et d’Inria avec l’AP-HP à l’hôpital maritime de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais).

 

Communiqué de presse

Paris, le 1er juin 2015

 

Représentation des contacts de proximité entre patients et professionnels de santé. Crédit : Obadia et al./PLOS Computational B

 

En Europe, les infections nosocomiales touchent 5 à 12% des patients hospitalisés. Elles entrainent une mortalité accrue, des séjours hospitaliers prolongés et des traitements onéreux (antibiotiques, interventions chirurgicales, etc.).

Au cours de l’année 2009, 590 patients et professionnels de l’hôpital maritime de Berck-sur-Mer ont pris part à l’expérience i-Bird, qui a duré 6 mois, et dont l’objectif était de déterminer les voies de propagation de certaines bactéries résistantes aux antibiotiques. Parmi celles-ci, le staphylocoque doré, un agent infectieux redoutable, était suivi avec une attention toute particulière. « Pour ce faire, les participants ont été équipés d’un capteur sensitif sans fil de la taille d’une montre enregistrant toutes les 30 secondes, de façon anonyme, toutes les personnes à proximité. Ceci  a permis de cartographier toutes leurs interactions avec d’autres personnes au sein de l’hôpital de Berck-sur-mer », explique Didier Guillemot (Inserm, Institut Pasteur, UVSQ, AP-HP), à l’origine du projet avec Pierre-Yves Boëlle et Éric Fleury.

En parallèle, des prélèvements nasaux étaient effectués toutes les semaines afin d’obtenir des données microbiologiques sur les portages et la diffusion de certains « clones » (sous-groupes génétiques de bactéries) de Staphylocoque doré résistant à l’antibiotique méticilline.

 

Un nombre vertigineux de données à traiter et la validation d’un modèle de propagation

Les résultats de l’étude i-Bird ont été dévoilés six ans après son lancement, en raison du nombre vertigineux de données à traiter : 85 025 interactions étaient enregistrées chaque jour par les capteurs. « Nous avons dû développer des algorithmes pour nettoyer toutes ces données et parvenir ensuite à les interpréter », explique Didier Guillemot.

En parvenant néanmoins à recouper les informations détaillées du réseau des contacts par modélisation, les chercheurs ont pu démontrer que la transmission des souches de  staphylocoques dorés (S. aureus) suivait les chemins enregistrés dans ce réseau.

Autrement dit, les contacts de proximité entre individus favorisent la diffusion du Staphylocoque doré résistant à la méticilline. Des résultats qui, au-delà de l’aspect purement médical, valident « l’utilisation des dispositifs sans fil pour mesurer le réseau de contacts au sein d’un hôpital et ouvre de nouvelles perspectives de lutte contre les infections nosocomiales », selon les chercheurs.

Cette expérience a abouti à la construction d’un modèle prédictif de diffusion du Staphylocoque doré utilisable pour d'autres configurations expérimentales, pour prévenir les propagations  ou  enrayer la propagation en cas d'épidémie.

 

Exhaustivité des données et utilisation des technologies sans fil : un modèle de recherche unique en matière d’épidémiologie

i-Bird se caractérise par l’exhaustivité des données qu’elle a recueillies sur le terrain et son utilisation des technologies sans fil.

Cette expérience financée à la fois par le programme européen MOSAR (Mastering hOSpital Antimicrobial Resistance in Europe) et le programme français de recherche clinique, a nécessité la synergie d’experts du domaine médical et des réseaux informatiques. Parmi eux :

  • Éric Fleury, Professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon, Chaire INRIA et responsable de l’équipe DANTE,
  • Didier Guillemot, professeur d’épidémiologie à l’Université de Versailles Saint Quentin, directeur de l’unité 1181 Inserm/Institut Pasteur/UVSQ,
  • Thomas Obadia, doctorant à l’Inserm
  • Pierre-Yves Boëlle, Professeur des Universités et praticien hospitalier à la faculté de médecine Pierre et Marie-Curie.

Si i-Bird s’attache à comprendre la transmission des maladies nosocomiales, « il s’agit d’une expérience scientifique et non d’une application pratique pour résoudre les problèmes épidémiques », explique Didier Guillemot. Il reste à développer des instruments de contrôle pour mesurer ces risques.

 Afin d’obtenir des résultats encore plus détaillés sur la propagation des bactéries responsables d’infections nosocomiales, les chercheurs envisagent de développer une technologie prenant en compte les contacts physiques –et non plus seulement la proximité- entre les individus. De nouvelles expérimentations de ce type sont à prévoir en milieu chirurgical, post-chirurgical et en soins intensifs avec, cette fois, mesure des contacts physiques.

 

Illustration : Les lignes grises indiquent les contacts de proximité entre les différentes personnes du site, patients ou professionnels de santé (marqués avec un "+"). Les personnages en rouge sont porteurs de SARM (Staphylococcus Aureus résistant à la méticilline). Crédit : Obadia et al./PLOS Computational Biology

 


Source

Detailed Contact Data and the Dissemination of Staphylococcus aureus in Hospitals, PLOS Computaltional Biology, 19 mars 2015

Thomas Obadia1,2, Romain Silhol3, Lulla Opatowski4,5,6, Laura Temime7, Judith Legrand8, Anne C. M. Thiébaut4,5,6, Jean-Louis Herrmann9,10, Éric Fleury11,12,*, Didier Guillemot4,5,6,13,*, Pierre-Yves Boëlle1,2,14,*, on behalf of the I-Bird Study Group¶

(1) Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06, UMR_S 1136, Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique, F-75013, Paris, France,

(2) INSERM, UMR_S 1136, Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique, F-75013, Paris, France,

(3) Department of Infectious Disease Epidemiology, Imperial College London, London, United Kingdom,

(4) Inserm UMR 1181 “Biostatistics, Biomathematics, Pharmacoepidemiology and Infectious Diseases” (B2PHI), F-75015, Paris, France,

(5) Institut Pasteur, UMR 1181, B2PHI, F-75015, Paris, France,

(6) Univ. Versailles St Quentin, UMR 1181, B2PHI, F-78180 Montigny-le-Bretonneux,

(7) Laboratoire MESuRS, Conservatoire National des Arts et Métiers, 75003, Paris, France,

(8) Univ Paris-Sud, UMR 0320/UMR8120 Génétique Quantitative et Evolution—Le Moulon, F-91190, Gif-sur-Yvette, France,

(9) INSERM U1173, UFR Simone Veil, Versailles-Saint-Quentin University, 78180, Saint-Quentin en Yvelines, France,

(10) AP-HP, Hôpital Raymond Poincaré, Service de Microbiologie, F-92380, Garches, France,

(11) ENS de Lyon, Université de Lyon, Laboratoire de l’Informatique du Parallélisme (UMR CNRS 5668—ENS de Lyon—UCB Lyon 1), IXXI Rhône Alpes Complex Systems Institute, Lyon, France,

(12) Inria—Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique, Montbonnet, France,

(13) AP-HP, Raymond Poincare Hospital, F-92380 Garches, France,

(14) AP-HP, Hôpital Saint-Antoine, Département de Santé Publique, F-75571, Paris, France

*These authors contributed equally to this work.

¶ Membership of the I-Bird Study Group is listed in the Acknowledgments.

 

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