Difficile de ne pas remarquer ce binôme sur le campus parisien de l’Institut Pasteur. Bien sûr, elles sont jumelles, mais ce n’est pas tout. En les croisant, on pressent deux personnages énergiques, curieuses et dotées d’une bonne dose d’optimisme. Enthousiastes, elles racontent tour à tour leur parcours singulier qui les a amenées à réaliser leurs thèses à l’Institut Pasteur. Déterminées, passionnées et tenaces, elles ont franchi les obstacles pour réaliser leur rêve, celui de devenir chercheuses.
Être déterminées
Leur parcours de sciences, elles le programment ensemble, lorsqu’elles ont tout juste quinze ans. Parisa, passionnée de biologie, prend les choses en main et Sara, qui affectionne particulièrement les mathématiques et les sciences exactes, est à ses côtés. Pour cela, elles sont venues de Téhéran et elles ont fait bloc.
Se donner les moyens
Sara et Parisa naissent en Iran à Téhéran au sein d’une famille instruite. Leurs parents souhaitent le meilleur pour l’une et l’autre. Dans cette famille, la réussite scolaire est une valeur primordiale. Il ne suffit pas d’être bon, il faut être le meilleur. Non pas pour écraser qui que ce soit, mais pour se donner les moyens d’atteindre ses objectifs et de pouvoir choisir sa voie.
En Iran, l’entrée de l’université passe par un concours et Sara et Parisa arrivent parmi les premières. À l’université, elles ne ménagent pas leurs efforts : quatre ans sans prendre de vacances ! L’été, elles préfèrent s’inscrire à la « summer school » pour en apprendre davantage ou réaliser un stage en laboratoire.
C’est ainsi qu’elles valident un maximum de modules et abordent la plupart des thématiques des sciences du vivant. Elles découvrent et participent à la vie d’un laboratoire de recherche à l’Institut Pasteur de Téhéran, membre d’un réseau international : le Pasteur Network.
Parisa Khalilian, doctorante dans l'unité " Trafic membranaire et pathogenèse"
Pour la troisième année de licence, nous avions programmé de poursuivre notre parcours dans une université française à Paris Sorbonne. Ce choix était motivé pour deux raisons : sa réputation d’excellence et aussi parce que la France n’est pas si loin de nos parents.
Sara Khalilian, doctorante
dans l'unité "Polarité Cellulaire, Migration et Cancer"
Pour nous préparer, il nous a fallu apprendre le français. Nous avons suivi des cours à l’ambassade de France de Téhéran et des cours particuliers lors de notre dernière année de licence. Notre langue natale est le perse, nous comprenons aussi l’arabe et maitrisons l’anglais que nous avons appris au travers du cinéma. Et nous sommes en train d’apprendre l’italien !
Aujourd’hui, Sara et Parisa sont quadrilingues !
Ne rien lâcher
Sara Khalilian
À notre arrivée en France, tout était très difficile mais nous savions que c’est au cœur de la recherche que nous voulions être. Pour cela, nous avons effectué plusieurs stages de recherche en France et à l’étranger. Pour nos masters respectifs, nous avons postulé à l’Institut Pasteur, chacune dans le domaine que nous souhaitions.
Ayant un double diplôme en Biologie cellulaire, Cellules souches et développement ainsi qu’en Bio-ingénierie de la santé, Sara intègre l’unité « Cellules Souches et Développement » dirigée par le professeur Shahragim Tajbakhsh. Ce laboratoire d’excellence bénéficie du soutien du « Programme Investissements d'Avenir ». La recherche sur les cellules souches suscite un réel espoir en termes de thérapie. Il est déjà possible, par exemple, de transplanter des cellules souches pour réparer une cornée endommagée chez l’humain.
Dans ce laboratoire, on travaille notamment sur une maladie génétique rare : la dystrophie musculaire de Duchenne, qui entraîne progressivement une dégénérescence musculaire généralisée. Peut-être qu'un jour, la recherche permettra aussi de régénérer les cellules musculaires, en cas de maladies génétiques. Son Master 2 terminé, elle obtient le poste d’Ingénieure de recherche. C’est ainsi qu’elle collabore activement à un projet d’équipe et publie son article scientifique*.
Parisa travaille dans l’unité Trafic membranaire et pathogénèse, dirigée par la professeure Chiara Zurzolo. Elle étudie les « tunnelling nanotubes (TNT) » ou nanotubes tunnels, un sujet passionnant qui permet d’éclairer les mystères de la communication entre les cellules. Ces nanotubes sont également empruntés par les virus ou les cellules tumorales ; celles-ci s’en servent pour échapper aux traitements et pour se propager.
Rester curieuses et ouvertes aux autres
Aujourd’hui en thèse, les deux sœurs sont dans des bâtiments de part et d’autre du campus. Elles gardent l’habitude d’échanger régulièrement sur l’avancée de leurs nouveaux travaux.
Si Sara et Parisa se soutiennent mutuellement, elles ne restent pas isolées.
Parisa Khalilian
À l’Institut Pasteur, il y a beaucoup d’experts dans de nombreuses disciplines, qu’il s’agisse de bio-imagerie ou de bio-informatique, par exemple. Ces rencontres sont extrêmement enrichissantes et ces nouvelles connaissances que l’on acquiert permettent de réappréhender ses recherches sous un nouvel angle nouveau et à l’aide de nouvelles techniques.
Être confiantes, croire en soi pour pouvoir être utile aux autres
Pour sa thèse, Sara a souhaité travailler dans l’unité « Polarité Cellulaire, Migration et Cancer dirigé par Dr Sandrine Etienne-Manneville.
SARA : « Faire de la recherche sur le cancer s’est imposé à moi de façon évidente, c’est la première cause de mortalité en France. Dans cette unité, nous travaillons sur les glioblastomes, un cancer du cerveau qui représentent le deuxième cancer pédiatrique le plus fréquent en France et la première cause de décès par cancer chez l'enfant. Ce type de cancer est terriblement invasif et il ne bénéficie pas pour le moment de solutions thérapeutiques. Je cherche à comprendre les mécanismes moléculaires qui rendent cette tumeur cérébrale si agressive et incurable et par quelles stratégies ces tumeurs résistent à la radiothérapie, l’un des traitements majeurs contre les glioblastomes.
Travailler avec Sandrine est très enrichissant scientifiquement, et ses qualités humaines m’inspirent également. Sandrine est pédagogue et ouverte d’esprit. Elle m'a toujours donné de l’ enthousiasme et une motivation illimitée pour réaliser mes expériences. Au cours de ma thèse, j’ai appris la patience, l’organisation, l'indépendance et la liberté de pouvoir travailler à ma façon en me faisant confiance. »
Parisa est restée dans l’unité où elle était durant son master et travaille avec et sous la direction de Stéphanie Lebreton.
Ensemble, elles étudient le trafic intra-cellulaire de certaines protéines impliquées dans le cancer du sein notamment. Elles cherchent à comprendre les divers mécanismes en jeu lors des processus cancéreux et des stratégies permettant de bloquer ce trafic.
PARISA : « Stéphanie est une chercheuse motivante, elle m’a enseignée qu’il faut entreprendre ses recherches avec optimisme et confiance. Elle m’a permis de poursuivre mon projet de recherche avec plaisir. Chiara, elle, m’a appris à être persévérante pour ce qui est ma passion ; la science. Aujourd’hui, si j’ai la conviction qu’une de mes idées est intéressante, je me dois d’y croire et de le prouver par mes résultats. »
Elle a également collaboré à un projet avec une chercheuse de l’unité Régulation Dynamique de la Morphogenèse dirigée par Jérôme Gros. Ce travail lui a permis de publier son premier article *
Au-delà des nombreuses connaissances scientifiques que Sara et Parisa ont acquises lors de ce parcours, elles concluent que ce métier exigeant de chercheuse leur a enseigné une véritable philosophie pour la vie.
Parisa et Sara
Pour mener une recherche, l’hypothèse de départ doit être rationnelle.
Il faut de la ténacité, en sciences, il faut expérimenter, les résultats ne viennent pas immédiatement, il faut faire, refaire, se tromper, réfléchir et trouver de nouvelles pistes.
Il faut croire en soi, tout en restant toujours ouvert aux qualités et aux compétences des uns et des autres !
Aujourd’hui, Sara et Parisa ont encore un an pour réaliser leurs thèses.
À l’aise au pays de Louis Pasteur, elles ont pu voyager et découvrir avec plaisir les différentes régions de France. À cette occasion, elles ont réalisé l’une de leurs véritables passions : découvrir les autres cultures.
« Nous sommes véritablement reconnaissantes du parcours dont nous avons pu bénéficier en France. Notre plus grand souhait serait de pouvoir poursuivre ce métier de chercheuse et contribuer autant que possible aux progrès de demain. »
Sara et Parisa en quelques dates
Naissance : 11 décembre 1990
Formation
Présent : Doctorante en Biologie cellulaire et cancérologie, Institut Pasteur et Sorbonne Université, Paris, France.
2020 : Master en Programme internationale de bio ingénierie de la santé, université Paris-Cité, PSL et Arts et Métier, Paris, France.
2019 : Master en Programme internationale de biologie cellulaire, Biologie du développement et Biologie des cellules souches, Sorbonne Université, Paris, France.
2013 : Licence en Biologie cellulaire et moléculaire, Téhéran, Iran.
Expériences professionnelles
SARA
2020 : Assistante de recherche dans l’unité de polarité cellulaire, migration et cancer, dirigée par Sandrine Etienne-Manneville, département de biologie cellulaire et infection, Institut Pasteur, Paris, France.
2019 : Ingénieur de recherche dans l’unité de biologie du développement et cellules souches, dirigée par Shahragim Tajbakhsh, département de Développement et cellules souches, Institut Pasteur, Paris, France.
Publication : Dynamics of Asymmetric and Symmetric Divisions of Muscle Stem Cells In Vivo and on Artificial Niches
2017 : Assistante de recherche au laboratoire de développement et régénération de la rétine, dirigé par Olivier Goureau, département de Biologie du développement, Institut de la Vision, Paris, France.
2016 : Assistante de recherche au laboratoire de biotechnologie médicale, dirigé par Józef Dulak, faculté de biochimie, biophysique et biotechnologie, Université de Jagellon, Cracovie, Pologne.
2013 : Assistante de recherche au laboratoire de génétique moléculaire et cytogénétique, dirigé par Masoud Garshasbi, l’Hôpital Pars de Téhéran, Iran.
PARISA
2020 : Assistante de recherche de Stéphanie Lebreton dans l’unité de trafic membranaire et pathogenèse, dirigée par Chiara Zurzolo, département de biologie cellulaire et infection, Institut Pasteur, Paris, France.
2019 : Technicienne supérieure de recherche dans l’unité de Régulation dynamique de la morphogènes, dirigée par Jérôme Gros, département de Biologie du développement et cellules souches, Institut Pasteur, Paris, France.
Publication : Mechanical feedback defines organizing centers to drive digit emergence
2018 : Assistante de recherche de Stéphanie Lebreton dans l’unité de Trafic membranaire et pathogenèse, dirigée par Chiara Zurzolo, département de Biologie cellulaire et infection, Institut Pasteur, Paris, France.
2017 : Assistante de recherche au laboratoire de Thérapies géniques et modèles animaux pour les maladies neurodégénératives, dirigé par Deniz Dalkara, département de thérapeutique, Institut de la Vision, Paris, France.
2016 : Assistante de recherche au laboratoire de biophysique cellulaire, dirigé par Jerzy Dobrucki, faculté de biochimie, biophysique et biotechnologie, Université de Jagellon, Cracovie, Pologne.
2013 : Assistante de recherche au laboratoire de génétique moléculaire et cytogénétique, dirigé par Masoud Garshasbi, l’Hôpital Pars de Téhéran, Iran.