Des scientifiques travaillant en France sont parvenus à sélectionner une nouvelle classe de molécule pour éliminer la bactérie Streptococcus pneumoniae, responsable du pneumocoque. Son nom : les « aptamères modifiés au ruthénium ». Cette approche pionnière constitue une alternative pour lutter contre la bactérie, parfois résistante aux traitements antimicrobiens traditionnels.
Des scientifiques, de Chimie Paris Tech (PSL) et de l’Institut Pasteur (Université Paris Cité), publient dans le Journal of the American Chemical Society une découverte qui ouvre de nouvelles perspectives contre les infections bactériennes et la résistance antimicrobienne. La résistance aux antimicrobiens survient lorsque les bactéries ou les virus évoluent au cours du temps et les médicaments existants ne sont plus efficaces.
Une collaboration scientifique de longue haleine pour obtenir ces « aptamères modifiés au ruthénium »
Marcel Hollenstein, responsable de l’unité de Chimie bioorganique des acides nucléiques à l’Institut Pasteur, Gilles Gasser de l'Institut de Chimie pour les Sciences de la Vie et de la Santé (Chimie ParisTech-PSL), et Mélanie Hamon, responsable de l’unité de Chromatine et Infection à l’Institut Pasteur ont collaboré sur ce projet.
Ensemble, ils ont réussi à modifier des aptamères (courts brins d'ADN capables de se lier à des cibles) avec des modifications chimiques appelées « complexes de ruthénium polypyridyle ». Ces acides nucléiques modifiés ciblent sélectivement la bactérie Streptococcus pneumoniae pour la détruire. Trouver un traitement efficace contre ce microbe, responsable du pneumocoque, est essentiel car il devient - comme beaucoup d’autres bactéries - résistants aux antibiotiques, et il a par ailleurs été démontré que le pneumocoque peut affecter durablement nos cellules. Cette souche est donc particulièrement problématique en médecine.
Une approche innovante par photothérapie contre une bactérie pathogène
Les complexes de ruthénium c’est quoi ? C’est une type de molécule qui contient un atome métallique, ici le ruthénium. Ces complexes métalliques (avec de l’or, du fer, du cuivre, ou du ruthénium...) ont déjà montré une activité contre des cellules cancéreuses in vitro depuis quelques années. Cette nouvelle recherche transpose le principe aux infections bactériennes.
Les complexes de ruthénium agissent comme photosensibilisateurs : une fois activés par la lumière ils permettent d'éradiquer les bactéries. Cette photothérapie (ou thérapie photodynamique) est une méthode déjà utilisée contre les cancers et repose sur l'utilisation d'une molécule inoffensive qui est transformée en une molécule cytotoxique après excitation lumineuse.
« Nous avons développé des oligonucléotides thérapeutiques (des aptamères) qui donnent de la spécificité au traitement et qui démontrent que cette approche pourrait être employé pour combattre la résistance aux antimicrobiens », explique Marcel Hollenstein. Les scientifiques ont en effet préparé des nucléotides équipés de divers complexes de ruthénium, puis démontré que certaines enzymes (ADN polymérases) pouvaient synthétiser des oligonucléotides contenant ces complexes. Via une expérience spécifique, dénommée SELEX, un aptamère a montré une forte affinité élevée pour Streptococcus pneumoniae.
Des perspectives prometteuses avec les complexes de ruthénium
Ces résultats, fruit de sept ans de recherche, démontrent la possibilité d'utiliser des nucléotides modifiés avec de grandes molécules pour créer des aptamères puissants contre des cibles bactériennes entières. Une voie prometteuse pour combattre la résistance antimicrobienne.
Source :
Selection of Ruthenium Polypyridyl Complex-Modified Aptamers for Photodynamic Therapy against Streptococcus Pneumonia, Journal of the American Chemical Society, November 8, 2025.
Marie Flamme, Germain Niogret, Luke McKenzie, Usman Akhtar, Fabienne Levi-Acobas, Albert Gandioso, Emma Clarke, Pierre Nicolas Bizat, Michael Connor, Mélanie A. Hamon, Gilles Gasser and Marcel Hollenstein.
Voir aussi le site du groupe Chimie Bioorganique des Acides Nucléiques.
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