Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont développé une méthode informatique pour augmenter la résolution spatio-temporelle de la microscopie optique. Cette méthode, appelée ANNA-PALM, s’appuie sur des développements récents en intelligence artificielle et plus particulièrement en apprentissage profond (deep learning). Explications.
« Les microscopes optiques classiques permettent de distinguer des structures de l’ordre de 200 à 300 nm, mais pas en deçà. Les objets plus petits apparaissent comme une tache de lumière au microscope, on ne peut pas distinguer leur structure interne. C’est le cas par exemple de la capside du virus du sida, qui a une forme de cône, ou des pores nucléaires, qui ont une forme d’octogone. Dans les deux cas, avec un microscope classique on ne voit qu’une tache diffuse », explique Christophe Zimmer, responsable de l’unité Imagerie et modélisation à l’Institut Pasteur. Pour surmonter cette limite de résolution, des méthodes de microscopie dites « super-résolutives » ont vu le jour, comme les techniques PALM et STORM, apparues en 2006, et qui reposent sur la localisation de molécules uniques. Ces méthodes permettent de visualiser des structures à des échelles de l’ordre de 20 nm, mais sont en contrepartie extrêmement lentes. En effet, « la vitesse des méthodes de microscopie super-résolutive basées sur la localisation de molécules uniques, est limitée par la nécessité d’acquérir plusieurs milliers d’images de basse résolution, chacune montrant un petit nombre de molécules ». En pratique, cela rend difficile l’imagerie à haute résolution de plus d’une dizaine de cellules ou la visualisation de structures dynamiques en cellules vivantes.
Pour accélérer la microscopie super-résolutive, les chercheurs de l’Institut Pasteur ont développé une nouvelle méthode informatique, baptisée ANNA-PALM. Cette méthode de calcul qui utilise des réseaux de neurones artificiels (lire l'interview de Christophe Zimmer) pour reconstruire des images super-résolutives à partir d’images de basse résolution acquises rapidement. « Nos simulations et les expériences que nous avons faites sur des microtubules, des pores nucléaires et des mitochondries montrent que des images super-résolutives peuvent être reconstruites en réduisant fortement le temps d’acquisition, et cela sans compromettre la résolution spatiale », reprend le chercheur.
Dans des conditions adéquates, ANNA-PALM permet d’accélérer la microscopie super-résolutive d’un facteur 10 à 100. Grâce à cette accélération, « ANNA-PALM permet d’obtenir des images super-résolutives de milliers de cellules en quelques heures, ce qui était pratiquement impossible auparavant. » Un film illustrant ceci, ainsi que les outils informatiques développés, sont disponibles ici : annapalm.pasteur.fr.
En réduisant drastiquement le temps d’acquisition et de l’irradiation par laser de l’échantillon, ANNA-PALM devrait faciliter grandement l’imagerie super-résolutive de cellules vivantes. Cette méthode ouvre également d’autres perspectives, par exemple pour le criblage à haut débit de molécules chimiques à visées thérapeutiques.
NB : L’Institut Pasteur dispose des ressources de calcul en GPU (Graphics Processing Unit) qui ont permis à l’équipe de Christophe Zimmer de réaliser cette étude. Le programme Inception a notamment permis de financer une « ferme GPU » (GPU Farm) que les auteurs ont utilisé pour cette étude. Le projet a également bénéficié de GPUs mis à disposition par la DSI de l'Institut Pasteur.
Source
Deep learning massively accelerates super-resolution localization microscopy, Nature biotechnology, 27 avril 2018
Wei Ouyang1–3, Andrey Aristov1–3, Mickaël Lelek1–3, Xian Hao1–3 & Christophe Zimmer1–3
1. Institut Pasteur, Unité Imagerie et Modélisation, Paris, France.
2. UMR 3691, CNRS, Paris, France.
3. C3BI, USR 3756, IP CNRS, Paris, France.
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