Des chercheurs du Yerkes National Primate Research Center et de l’Institut Pasteur, démontrent l’efficacité de l’immunothérapie à base d’interleukine 21 (IL-21) et d’interféron alpha (IFNa) combinée à un traitement antiviral (ARV) dans la production de cellules tueuses naturelles (NK) hautement fonctionnelles susceptibles de contribuer à réduire la quantité des réservoirs du virus de l’immunodéficience simienne (SIV) dans un modèle animal de l’infection VIH. Cette découverte, qui a fait l’objet d’un article publié en ligne dans Nature Communications le 17 mai 2021, constitue une autre étape dans la recherche d’une stratégie de rémission du VIH.
Les traitements antiviraux (ARV) sont hautement efficaces pour traiter le VIH/Sida. Ils sont capables de réduire la charge virale jusqu’à des niveaux indétectables dans le sang, mais n’offrent pas de guérison et se heurtent à des problèmes de coût, d’adhérence et de stigmatisation sociale.
Pour limiter cette dépendance vis-à-vis de ces traitements, une équipe de chercheurs de Yerkes, d’Emory et de l’Institut Pasteur a étudié des animaux séropositifs et traités par thérapie antivirale. Comme chez l’Homme, les animaux chez qui on interrompt le traitement voient leur charge virale dans le sang augmenter de façon drastique. Déterminer comment on pourrait maintenir un contrôle du virus après interruption des ARV est fondamental dans la recherche d’une stratégie de rémission du VIH.
Les chercheurs de l’Institut Pasteur avaient identifié un blocage de la maturation de cellules de l’immunité innée, les cellules tueuses naturelles (NK), dans un modèle animal infecté par le SIV, contrairement aux hôtes naturels du SIV (Huot et al., Nature Communications, 2021). Les chercheurs ont alors testé une immunothérapie visant à améliorer la maturation des cellules NK chez le modèle animal. Ils ont comparé des animaux infectés et sous ARV uniquement, à des animaux infectés sous ARV avec une combinaison de deux cytokines IL-21 et IFNa. Ils ont ainsi pu évaluer l’impact de l’association du traitement ARV et de l’immunothérapie sur la quantité de virus présent dans les tissus des modèles animaux pendant le traitement et après arrêt du traitement ARV.
« Nos résultats montrent une maturation et fonctionalité accrue des cellules NK antivirales chez les modèles animaux sous combo-thérapie », indiquent Justin Harper, co-premier auteur de l’étude avec Nicolas Huot, chercheur au sein de l'unité VIH, inflammation et persistance à l'Institut Pasteur. « Cette forte réponse a contribué à éliminer les cellules infectées au sein des ganglions lymphatiques (GL), connus pour constituer un réservoir majeur du virus et, par conséquent, à diminuer sa persistance. Cibler les zones de refuge du virus et identifier comment y limiter sa réplication permet de mieux contrôler le VIH », poursuit Justin Harper, un membre du laboratoire dirigé par M. Paiardini.
Historiquement, les études sur l’immunité contre le VIH se sont majoritairement attachées au rôle des cellules adaptatives. « Cette étude sur des modèles animaux de l’infection VIH démontre qu’une activité des cellules NK peut contribuer à contrôler le virus », souligne Mirko Paiardini, professeur agrégé de pathologie et biologie médicale à l’université Emory et chercheur à Yerkes. « Cette découverte ouvre la voie à l’élaboration d’autres stratégies thérapeutiques visant à induire une rémission du VIH en l’absence de traitement ARV et, in fine, à l’allègement du fardeau que fait peser le VIH sur les individus, les familles et le monde », ajoute-t-il.
« L’association des ARV à cette nouvelle immunothérapie a permis de prolonger le contrôle viral après l’arrêt des ARV. Les résultats de cette étude apportent une preuve du rôle essentiel que peuvent jouer les cellules NK dans la capacité à réduire les réservoirs viraux, constituant une étape importante dans la recherche d’une stratégie de rémission du VIH » conclut Michaela Müller-Trutwin, responsable de l’unité VIH, inflammation et persistance à l’Institut Pasteur.
Ces travaux de recherche ont bénéficié de la subvention du Yerkes National Primate Research Center accordée par le NIH Office of the Director, Office of Research Infrastructure Programs. Le National Institute of Allergy and Infectious Diseases, le National Center for Research Resources (jusqu’en 2015) et le National Cancer Institute ont apporté un financement supplémentaire, à l’instar de l’Agence nationale française de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et la Fondation Jacqueline Beytout.
Source
IL-21 and IFNα therapy rescues terminally differentiated NK cells and limits SIV reservoir in ART-treated macaques, Nature Communications, 17 mai 2021
Justin Harper1,11, Nicolas Huot2,11, Luca Micci1, Gregory Tharp3, Colin King1, Philippe Rascle2,4, Neeta Shenvi5, Hong Wang1, Cristin Galardi6,7, Amit A Upadhyay3, Francois Villinger8, Jeffrey Lifson9, Guido Silvestri1,10, Kirk Easley5, Beatrice Jacquelin2, Steven Bosinger1,3,10, Michaela Müller-Trutwin2,12, Mirko Paiardini*1,10,12
1Division of Microbiology and Immunology, Yerkes National Primate Research Center, Emory University, Atlanta, Georgia, USA.
2Institut Pasteur, Unité HIV, Inflammation et Persistance, Paris, France.
3Nonhuman Primate Genomics Core, Yerkes National Primate Research Center, Emory University, Atlanta, Georgia, USA.
4Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris, France.
5Department of Biostatistics and Bioinformatics, Rollins School of Public Health, Emory University, Atlanta, Georgia, USA.
6UNC HIV Cure Center and Department of Medicine, University of North Carolina at Chapel Hill, Chapel Hill, NC, USA.
7HIV Discovery, ViiV Healthcare, Research Triangle Park, NC, USA.
8Department of Biology, New Iberia Research Center, University of Louisiana at Lafayette, New Iberia, Louisiana, USA.
9AIDS and Cancer Virus Program, Frederick National Laboratory for Cancer Research, Frederick, Maryland, USA.
10Department of Pathology and Laboratory Medicine, Emory University School of Medicine, Atlanta, Georgia, USA.
11These authors contributed equally.
12 These authors contributed equally.