Îlots de chaleur et défaut d’eau courante favorisent la dengue à Delhi en Inde

Communiqué de presse
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Et si une planification urbaine plus intégratrice des populations déshéritées était l’une des clés pour lutter contre la dengue ? C’est ce que montrent, à travers une approche géographique appliquée à la métropole de Delhi (Inde), des chercheurs et chercheuses du CNRS, de l’Institut Pasteur et de l’Indian Council of Medical Research1. Leur étude est publiée dans la revue PLOS Neglected Tropical Disease le 11 février 2021.

Maladie virale sans traitement spécifique ni vaccin, la dengue menace potentiellement 3,5 milliards de personnes à ce jour – un nombre qui pourrait augmenter avec l’urbanisation des zones tropicales et le réchauffement climatique. En effet, les moustiques tigres vecteurs de la maladie sont particulièrement bien adaptés aux milieux urbains et leur aire de répartition s’étend de plus en plus en direction des régions tempérées.

Depuis 1996, Delhi est touchée chaque année par une épidémie de dengue entre juillet et novembre. Pour savoir où et comment agir pour mieux combattre ces épidémies, une équipe associant géographes, virologues, entomologistes et épidémiologistes a étudié leur propagation à l’échelle de cette métropole de 16,7 millions d’habitants. Les scientifiques ont ciblé 18 quartiers de Delhi pour lesquels ils ont mesuré l’abondance des larves de moustiques, et recherché la présence d’anticorps (signe d’une infection passée) chez une partie des habitants. En combinant ces données de terrain aux cas repérés dans les hôpitaux, ils ont pu mettre en avant le rôle des facteurs sociaux et environnementaux dans la diffusion de cette maladie émergente.

Premier résultat : malgré une densité de moustiques plus faible, les quartiers riches sont presque aussi touchés par la dengue que les quartiers défavorisés, et davantage que les quartiers au statut socio-économique intermédiaire. Les scientifiques expliquent ce paradoxe par l’importance prise par les mobilités journalières dans la ville : quartiers favorisés et défavorisés sont dorénavant hyper connectés et partagent tout autant les espaces de vie que les virus. Deuxième enseignement : le manque d’accès à l’eau courante est le facteur de risque majeur d’infection par le virus de la dengue, plus que la pauvreté même si les deux sont souvent associés.

En effet, les rares cas hivernaux de dengue sont recensés dans les quartiers à la fois défavorisés et densément peuplés. Le manque d’eau courante oblige les habitants à y stocker l’eau dans des réservoirs qui constituent des lieux de ponte privilégiés pour les moustiques. Et la forte densité de ces types de quartiers crée des îlots de chaleur. La température y atteint en effet jusqu’à 15°C en janvier (10°C de plus que dans les zones moins denses) permettant aux moustiques de survivre à l’hiver et de continuer à propager localement le virus.

En somme, si les déplacements semblent expliquer la diffusion du virus pendant les épidémies, les déterminants sociaux jouent un rôle prépondérant dans l’ancrage du virus à Delhi, puisque le virus continue à circuler à bas bruit l’hiver dans les quartiers denses au faible accès à l’eau. Améliorer l’accès à l’eau dans ces quartiers devrait donc permettre d’atténuer l’épidémie dans toute la métropole, et pour tous ses habitants. Limiter les îlots de chaleur, ou du moins y concentrer la lutte anti-moustique en période hivernale, affaiblirait également le réservoir qui alimente l’épidémie chaque année. La planification urbaine pourrait ainsi être un instrument de lutte contre la dengue et plus globalement un levier majeur pour améliorer la santé de tous. Il s’agit là d’un concept utilisé bien avant la vaccination, et qui a permis au 19e siècle de contrôler les épidémies de choléra dans les villes européennes.
 


Notes

1 Les centres de recherche concernés sont le Centre de sciences humaines de Delhi (CNRS/Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères), le laboratoire Génomique évolutive, modélisation et santé (CNRS/Institut Pasteur), le National Institute of Malaria Research (Indian Council of Medical Research) et le laboratoire Géographie-cités (CNRS/Université Paris 1 Panthéon Sorbonne/EHESS/Université de Paris).

Ci-dessous : cartographie des îlots de chaleur (températures nocturnes du mois de novembre). Les cas de dengue hivernaux sont localisés dans les zones les plus chaudes de la ville. © Olivier Telle/CSH/CNRS


Source

Social and environmental risk factors for dengue in Delhi city: a retrospective study, PLOS Neglected Tropical Diseases, 11 février 2021

Olivier Telle, Birgit Nikolay, Vikram Kumar, Samuel Benkimoun, Rupali Pal, B.N. Nagpal, Richard E. Paul

 

AURÉLIE PERTHUISON
Responsable des relations presse

ANNE BURLET-PARENDEL
Attachée de presse

MYRIAM REBEYROTTE
Attachée de presse

NATHALIE FEUILLET
Chargée des relations presse

 

MARGAUX PUECH PAYS D'ALISSAC

Attachée de presse

 

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