Depuis le 6 juin 2025, l'agglomération de Saint-Quentin (Aisne, Hauts-de-France) est touchée par des intoxications alimentaires sévères, majoritairement chez des enfants, causées par la bactérie Escherichia coli. Retour sur la chronologie des événements, la situation épidémiologique et le rôle de l’Institut Pasteur dans cette crise sanitaire.
Quelle est l’origine précise des troubles digestifs sévères qui ont commencé à se déclarer à Saint-Quentin et ses environs le 6 juin ? Depuis lors, c’est la question à laquelle tentent de répondre les autorités sanitaires. À la date du 5 juillet, cette alerte sanitaire avait provoqué 32 cas d’intoxications alimentaires. Parmi ces 32 personnes, dix ont développé un syndrome hémolytique et urémique (SHU). Ce syndrome se caractérise par des douleurs abdominales, des diarrhées sanglantes, une grande fatigue avec pâleur, des troubles urinaires,... Les premiers symptômes digestifs se manifestent généralement trois à quatre jours et, plus rarement, jusqu’à dix jours après la consommation de l’aliment contaminé. Le SHU entraîne une altération des globules rouges et des reins, et peut causer la mort. Une jeune fille est ainsi malheureusement décédée le 16 juin.
Si plusieurs points restent encore à éclaircir, un certain nombre d’éléments sont d’ores et déjà établis.
La bactérie Escherichia coli est à l’origine des intoxications
• L'intoxication est de nature bactériologique, et non virale, causée par la bactérie Escherichia coli. Parmi cette famille de bactéries, seules celles produisant une toxine particulière (la Shigatoxine) et nommées Escherichia coli entérohémorragiques (ou ECEH) sont responsables de ces infections sévères.
• La transmission se fait généralement via des aliments contaminés mais une transmission interhumaine est possible via les mains (manuportage), d'où l'importance des gestes d'hygiène (lavage des mains).
• Les enfants, en particulier ceux de moins de 5 ans, ainsi que les personnes fragiles (personnes âgées, immunodéprimées) sont particulièrement exposés aux formes sévères d'infections à ECEH.
La bactérie pathogène n’était pas dans l’eau, mais dans la viande
• L'eau du robinet, de la piscine et de la ville de Gauchy a été contrôlée et déclarée conforme, n'étant pas la source de contamination.
• La consommation de viande issue de certaines boucheries différentes est la cause de la contamination à ce stade des investigations.
Un lien formel entre les bactéries retrouvées dans certaines boucheries et celles retrouvées sur plusieurs malades
Le séquençage du génome bactérien a permis de confirmer que les bactéries retrouvées dans ces boucheries (et dans les viandes issues de ces boucheries) et celles des personnes malades étaient identiques.
L’Institut Pasteur analyse les bactéries issues des patients et identifie la bactérie incriminée
Des analyses complémentaires sur d’autres échantillons sont par ailleurs en cours. Plusieurs éléments sont encore en suspens autour de cette alerte sanitaire car celle-ci nécessite une enquête épidémiologique complexe. Elle mobilise plusieurs acteurs :
- L'Agence régionale de santé (ARS) Hauts-de-France et Santé publique France (SpF) sont en charge de l’enquête sur le terrain via des entretiens avec les personnes malades ou leurs proches. L’objectif est d’identifier des aliments, lieux ou événements communs entre les malades, de mettre en place de premières mesures préventives et d’informer la population locale.
- La préfecture de l’Aisne, en charge du pilotage de la gestion de crise à l’échelle locale et de la mise en place des mesures préventives et de gestion, comme par exemple la fermeture des boucheries.
- Le centre de crises sanitaires de la Direction générale de la santé du ministère chargé de la santé et de l’accès aux soins, en charge de la coordination entre ses opérateurs régionaux (ARS), les agences sanitaires nationales (Santé publique France, Institut Pasteur) et les acteurs interministériels comme la Direction générale de l’alimentation (DGAl) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).
- Le parquet de l’Aisne puis celui de Paris, en charge de l’enquête judiciaire.
- Le Laboratoire d’études des Microorganismes Alimentaires Pathogènes/Laboratoire national de référence (LMAP/LNR) Escherichia coli et des laboratoires agréés analysent les échantillons prélevés par la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) et la DGAl sur les lieux de vente / commerces de bouche, pour déterminer l’origine de la nourriture contaminée.
- Le Centre national de référence Escherichia coli analyse les prélèvements effectués sur les patients pour confirmer la présence de la bactérie ECEH et séquencer son génome.
Plus précisément, ces dernières analyses comprennent deux étapes. La première étape est réalisée au laboratoire associé au CNR (Hôpital Robert Debré, Paris). Elle permet de confirmer que ces infections sont bien dues à des bactéries ECEH et permet pour chaque patient l’isolement de la bactérie incriminée afin de la séparer des très nombreuses Escherichia coli non-pathogènes qui se trouvent naturellement dans le système digestif humain. Cette première phase de l’analyse dure de quatre à six jours. La seconde étape, réalisée à l’Institut Pasteur conduit au séquençage du génome des bactéries. Une analyse bioinformatique est ensuite réalisée de façon à obtenir une carte d’identité génétique de ces bactéries. C’est cette analyse du génome qui va permettre de comparer les bactéries issues des patients et celles potentiellement trouvées dans les aliments, et de confirmer un lien de causalité. La préparation du séquençage, sa mise en œuvre et l’analyse de ses résultats nécessitent quatre à cinq jours.
Plus généralement, les CNR, qui impliquent 19 laboratoires de l’Institut Pasteur, ainsi que l’étroite collaboration entre les différentes autorités sanitaires sont absolument essentiels dans la gestion de crises alimentaires de ce type, comme ce fut le cas en 2022 lors de l’épisode des pizzas surgelées contaminées à Escherichia coli, lors de l'intoxication au botulisme en septembre 2023, et comme c'est le cas pour la crise actuelle.
Quand la bactérie Escherichia coli cause un syndrome hémolytique et urémiqueEscherichia coli est une bactérie qui réside naturellement dans le tube digestif des humains et des animaux. Bien que la plupart des souches soient inoffensives, certaines possèdent des facteurs de virulence et sont pathogènes. Quelles souches de Escherichia coli sont dangereuses pour l'humain ?Les souches les plus préoccupantes sont les Escherichia coli entérohémorragiques (ECEH). Ces bactéries possèdent un gène qui code pour une toxine très puissante appelée Shigatoxine, laquelle est responsable d'une infection sévère connue sous le nom de syndrome hémolytique et urémique (SHU). Quelles sont les modes de transmission ?L’ECEH se transmet principalement par la consommation d’aliments contaminés (viande peu cuite, produits laitiers crus, légumes souillés) ou par contact direct avec des animaux ou un porteur. Quels sont les symptômes ?Les symptômes d'une infection à ECEH apparaissent généralement entre trois et quatre jours après l'infection, parfois jusqu'à dix jours. Ils incluent des douleurs abdominales, vomissements, diarrhées d’abord aqueuses puis sanglantes. De la fièvre peut parfois être présente. Quelles sont les éventuelles complications ?Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) concerne environ 5 à 10 % des infections, surtout chez l’enfant. Il peut entraîner une insuffisance rénale aiguë et d’autres atteintes graves une semaine après le début des signes digestifs. Comment prévenir l'infection et quels sont les traitements ?La prévention des infections à ECEH repose sur des pratiques d'hygiène strictes tout au long de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur. Le lavage des mains avant la préparation des repas ainsi qu’une cuisson adaptée des aliments sont essentiels. La plupart des antibiotiques sont contre-indiqués ; la prise en charge repose sur le traitement symptomatique et la surveillance des complications. |