André Lwoff (1902-1994)

L’œuvre scientifique d’André Lwoff est dominée par deux découvertes aux conséquences majeures : celle des facteurs de croissance bactériens et celle des formes dormantes des virus de bactéries, les prophages. Il partagera, avec François Jacob et Jacques Monod, le prix Nobel de médecine 1965 « pour la découverte de la régulation génétique de la synthèse des enzymes et des virus. ».

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André Lwoff
L’UNICITÉ DU VIVANT

Pendant les années trente, André Lwoff a séjourné dans des laboratoires étrangers de premier ordre, en particulier à Heidelberg, en Allemagne. Avec son épouse Marguerite, qui fut toujours une proche collaboratrice, il avait bénéficié d’une bourse de la Fondation Rockefeller pour ce séjour auprès de Otto Meyerhof, prix Nobel de physiologie ou médecine de 1922. André Lwoff y a démontré que différents facteurs de croissance servaient au métabolisme bactérien. 

Il a été le premier à découvrir que de petites molécules, des co-enzymes peuvent fonctionner comme des vitamines indispensables à la croissance des cellules. Certains micro-organismes, comme le colibacille, les synthétisent, d’autres en sont incapables et doivent bénéficier d’un apport extérieur. André Lwoff a défini ainsi le statut et le rôle des facteurs de croissance, d’où est sortie, avec l’analyse des biochimistes, la notion d’unicité de structure et de fonctionnement du monde vivant. Un travail reconnu comme fondamental par la communauté scientifique internationale.

BACTÉRIOPHAGES VIRULENTS OU SILENCIEUX

Poursuivant les travaux d’Eugène et Elisabeth Wollman, André Lwoff entreprend l’étude des bactéries lysogènes. Celles-ci se multiplient indéfiniment en perpétuant le génome d’un bactériophage (virus spécifique des bactéries) intégré à leur propre génome.

Sous l’effet de facteurs divers, cet équilibre est rompu et le bactériophage se développe aboutissant à la mort de la bactérie (lyse) et à la libération de bactériophages infectieux.

Ce processus peut être induit à volonté dans la totalité de la population de bactéries lysogènes sous l’action de certains facteurs tels que le rayonnement ultraviolet. André Lwoff a dénommé “ prophage ”, la forme sous laquelle est perpétué le génome du bactériophage chez les bactéries lysogènes. Les bactériophages produits par ces bactéries, dits “ bactériophages tempérés ”, peuvent donc, lorsqu’ils infectent des bactéries sensibles, suivre l’une ou l’autre des deux voies distinctes.

Soit, comme les bactériophages dits “virulents”, ils se multiplient à l’intérieur des bactéries qui se lysent en libérant des bactériophages infectieux.
Soit leur génome s’intègre à celui de bactéries qui les perpétuent sous une forme non infectieuse, le prophage.

Extrait du discours d’André Lwoff lors de la remise du prix Nobel

10 décembre 1965

« C’est la recherche qui m’a conduit ici et la recherche, on le sait, est un jeu… La recherche étant un jeu, il importe peu en théorie tout au moins, que l’on gagne ou que l’on perde. Mais les savants possèdent certains traits des enfants. Comme eux, ils aiment gagner et comme eux ils aiment être récompensés…

Quand on baptise un nouveau-né, on ne lui demande pas son avis. À quoi bon ? Lorsque la Fondation confère son prix, elle le fait sans l’accord préalable du récipiendaire. On pose en principe qu’il acceptera. Il arrive cependant qu’il refuse, contraint parfois par les autres, parfois par lui-même.

Mais pourquoi refuser le sacrement puisqu’on refusera le refus. Si j’ai prononcé le mot de sacrement, c’est que la recherche scientifique est une religion qui demande la foi, une foi rationnelle. Comme toute religion, elle exige des prophètes, un collège d’apôtres, l’âme et le cœur de tout un peuple.

Elle exige également des martyrs… La victime prend à la cérémonie un plaisir évident et il y a beaucoup de candidats au martyre. Car tout savant, au fond de lui-même, désire être reconnu. Cependant, la célébrité conférée au lauréat par une distinction si rare, si enviée, et si éclatante, le sépare quelque peu arbitrairement de ses pairs, l’oblige à se considérer, à se juger. Elle l’oblige aussi à méditer sur les prix en général, sur la générosité du sort, sur les charmes et les contraintes de la notoriété…

Et voilà qu’un événement qui ne dépend pas de moi prend soudain dans ma vie une place dont il serait vain de nier l’importance et qui, de plus, est un événement heureux. Heureux pour mon pays, pour l’institution à laquelle j’appartiens, pour la discipline que je cultive. Heureux aussi pour les miens et sans doute enfin pour moi-même… »

© The Nobel Foundation 1965

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