Chikungunya : une situation inquiétante sur le continent américain

Communiqué de presse
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Malgré la présence des moustiques transmettant la maladie, aucun cas autochtone de Chikungunya n’avait été rapporté sur le continent américain jusqu’en décembre 2013, date à laquelle une épidémie s’est brutalement déclarée aux Antilles. Afin d’évaluer les risques de transmission et de dissémination du virus sur l’ensemble de ce territoire, des chercheurs de l’Institut Pasteur et la Fiocruz (Brésil) ont entrepris la plus vaste étude jamais réalisée pour tester l’aptitude des moustiques à transmettre le virus. Au vu des résultats de leur enquête, les scientifiques redoutent que certains grands rassemblements prévus dans les mois à venir en Amérique du Sud – notamment la Coupe du monde de football, ne constituent des facteurs favorisant la dissémination du virus et précipitant la survenue d’une épidémie d’ampleur dans la région.

 

 

Communiqué de presse

Paris, le 10 avril 2014

 

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En décembre 2013, le Centre National de Référence des Arbovirus confirmait les premiers cas de Chikungunya sur l’île de Saint Martin (Antilles), avant qu’une épidémie de près de 400 cas cliniques ne se déclare rapidement. Malgré les conditions idéales à son établissement  – présence des deux principales espèces de moustiques vecteurs, température et humidité adaptées à leur multiplication, fortes densités démographiques, nombreux cas importés recensés annuellement -, c’est cependant la première fois que la maladie se manifeste sur le continent américain de manière autochtone, c’est-à-dire indépendamment de toute importation depuis un pays où le virus circule.

 

 

Dans ce contexte, des chercheurs et entomologistes de l’Institut Pasteur, dirigés par Anna-Bella Failloux (laboratoire Arbovirus et insectes vecteurs) et Ricardo Lourenço-de-Oliveira de la Fiocruz (Brésil) ont enquêté pour établir une cartographie des risques de propagation du virus sur le territoire nord et sud-américain. Ils ont pour cela testé la compétence vectorielle, c’est-à-dire l’aptitude à transmettre le virus, de 35 populations de moustiques des espèces Aedes albopictus et Aedes aegypti, prélevés dans 10 pays du continent, faisant de cette enquête la plus complète jamais réalisée sur le sujet.

 

La compétence vectorielle des moustiques est calculée en mesurant la quantité de virus présents dans la salive émise par les moustiques femelles. Les chercheurs ont ainsi testé les deux espèces de moustiques pour trois souches du virus Chikungunya : une souche de la lignée dite « asiatique », responsable notamment de l’épidémie aux Antilles, et deux souches de la lignée « réunionnaise », l’une issue de la lignée originale isolée en 1952, et l’autre, mutée, dérivée de la précédente. C’est cette souche mutée qui en 2006 avait provoqué l’épidémie qui a sévèrement touché l’Île de La Réunion et tout l’Océan indien.

 

Les résultats de l’étude montrent tout d’abord une forte implantation sur le continent américain des moustiques Ae. albopictus et Ae. aegypti, et dans certaines régions - en Floride, au Mexique, au Panama et au Brésil - la cohabitation des deux espèces.

 

Fortement infectés par le virus sur l’ensemble du territoire étudié, les moustiques se sont tout deux révélés capables de transmettre les trois souches virales, et ce à des niveaux parfois inquiétants : jusqu’à 83,3% d’efficacité de transmission pour Ae. aegypti et 96,7% chez Ae. albopictus. Ae. aegypti, le vecteur historique du Chikungunya, semble cependant plus compétent pour la lignée originale de La Réunion, ainsi que pour la souche asiatique. Comme attendu, Ae. albopictus, lui, a une affinité plus marquée pour le virus épidémique de 2006 de La Réunion.

 

Pour Anna-Bella Failloux, cette étude souligne la situation à risque du continent. Dans ce contexte, les déplacements humains et les grands rassemblements, comme la Coupe du monde de football - Rio de Janeiro fait partie des zones où la compétence d’Ae. albopictus pour la souche épidémique réunionnaise est particulièrement élevée - pourraient être à l’origine d’une poussée épidémique à court ou à moyen terme. Rappelons cependant que le Chikungunya est une maladie virale qui est rarement mortelle.

 

 

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A propos de la Fiocruz

Institution de science et de technologie des plus éminentes d’Amérique Latine, la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz, (Rio de Janeiro, Brésil) est depuis 2004 une institution correspondante du Réseau International des Instituts Pasteur. Fondée en 1908 sous le nom d’Institut Oswaldo Cruz, elle est alors un centre de recherche sur les vaccins.  Placée sous la tutelle du Ministère de Santé brésilien, la Fiocruz est aujourd’hui responsable d’une gamme d’activités qui comprend le développement de la recherche, un hôpital et des services ambulatoires reconnus de qualité, la production de vaccins, médicaments, réactifs et tests diagnostiques, le contrôle qualité de produits et de services  et la mise en œuvre de programmes sociaux. 

 

Source

High vector competence of Aedes aegypti and Aedes albopictus from ten American countries as a crucial factor of the spread of chikungunya, J Virol , publié en ligne le 26 mars

Anubis Vega-Rúa (1,2), Karima Zouache (1), Romain Girod (3), Anna-Bella Failloux (1,¶), Ricardo Lourenço-de-Oliveira (1,4,¶)

 

(1) Institut Pasteur, Département de Virologie, laboratoire Arbovirus et insectes vecteurs, 25-28 rue du  Docteur Roux, 75724 Paris, cedex 15, France.
(2) Université Pierre et Marie Curie, Cellule Pasteur UPMC, 25-28 rue du Dr Roux, 75724 Paris cedex 15, France.
(3) Institut Pasteur de la Guyane, unité d’Entomologie médicale, avenue Pasteur, BP 6010, 97306 Cayenne Cedex, Guyane française.
(4) Laboratório de Transmissores de Hematozoários, Instituto Oswaldo Cruz, Fiocruz, Av. Brasil 4365, Rio de Janeiro, 21045-900, Brazil.

           ¶ Co-contribution de ces deux auteurs

 

Contacts

Service de presse de l’Institut Pasteur

Marion Doucet – marion.doucet@pasteur.fr - +33 (0)1 45 68 89 28

Nadine Peyrolo - nadine.peyrolo@pasteur.fr - +33 (0)1 45 68 81 47

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