Nombre de décès de Covid-19 chez les moins de 65 ans : un indicateur plus fiable pour évaluer les taux d’infection dans les populations

Communiqué de presse
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Une simple comparaison du nombre total de décès entre les pays peut donner une représentation trompeuse du niveau réel de transmission du SARS-CoV-2, le virus à l’origine de la Covid-19, en raison de disparités importantes des taux de décès par Covid-19 signalés dans les populations âgées des différents pays.
L’étude menée par l’université de Cambridge, l’Institut Pasteur et le CNRS, publiée ce jour dans la revue Nature, souligne à quel point la très forte diffusion de la Covid-19 dans les maisons de retraite en Europe et les données incomplètes de mortalité chez les personnes âgées dans certains pays, font qu’il est difficile de s’appuyer sur le nombre total de morts pour comparer le niveau de circulation du virus dans différents pays.

Les chercheurs montrent que le nombre de décès de Covid-19 signalés chez les moins de 65 ans est probablement un indicateur beaucoup plus fiable. Ces chiffres peuvent donner un aperçu plus clair de la transmission réelle du virus et permettre des comparaisons plus précises entre les pays – ce qui est crucial pour orienter les stratégies gouvernementales visant à maîtriser l’épidémie de Covid-19.

« Une simple comparaison du nombre total de décès entre les pays peut être trompeuse dans sa représentation du niveau réel de transmission du SARS-CoV-2. La plupart des décès concernent des personnes âgées, mais ce sont les données les moins comparables d’un pays à l’autre », indique Megan O’Driscoll, doctorante au département de génétique de l’université de Cambridge et première auteure de l’article.

Dans des pays comme le Royaume-Uni, le Canada et la Suède, la pandémie de Covid-19 a touché de manière disproportionnée les résidents des maisons de retraite, qui représentent plus de 20 % de tous les décès liés à la Covid-19. Le niveau de transmission du SARS-CoV-2 au sein de la population générale peut dans ce cas être difficile à distinguer de cette explosion de cas.

En revanche, certains pays d’Asie et d’Amérique du Sud ont un taux de mortalité officiel lié à au virus beaucoup moins élevé qu’attendu chez les personnes âgées. Une explication possible de ces « décès manquants » est que les causes de mort dans les populations âgées sont moins susceptibles d’être étudiées et signalées, car la priorité de ces pays est de contenir l’épidémie.

« Les maisons de retraite sont des communautés de personnes isolées, et une fois que le virus y pénètre, il peut se propager rapidement, ce qui entraîne des niveaux d’infection plus élevés qu’au niveau de la population générale. Nous constatons un nombre excessivement important de décès dus au Covid-19 dans cette tranche d’âge élevée, en particulier dans les pays qui comptent de nombreuses maisons de retraite », précise le Dr Henrik Salje, du département de génétique de l’université de Cambridge, co-auteur principal du rapport.

Il ajoute à cela : « Les résidents ne sont pas simplement plus âgés que la population générale, ils sont aussi généralement plus fragiles. Ainsi, un septuagénaire vivant dans une maison de retraite a plus de risque de mourir de la Covid-19 qu’un septuagénaire en population générale. Pour réduire le nombre total de décès de Covid-19, il est vital de protéger les communautés de personnes âgées vulnérables ».

Dans leur nouveau modèle, les chercheurs ont intégré les données Covid-19 sur les décès par âge dans 45 pays, avec 22 enquêtes de séroprévalence au niveau national. Ces enquêtes de séroprévalence permettent d’estimer la proportion d’une population ayant développé des anticorps contre le coronavirus. Les anticorps indiquent si une personne a été infectée par le SARS-CoV-2 à un moment donné, et constituent donc un bon indicateur des taux d’infection à l’échelle de la population.

« En analysant le risque relatif de décès par Covid-19 en fonction de l’âge, nous nous sommes rendu compte que beaucoup de pays partageaient le même profil de mortalité par âge chez les personnes de moins de 65 ans. Nous avons pu utiliser cette information pour reconstruire de façon plus fiable le nombre d’infections dans les différents pays même ceux pour lesquels aucune enquête de séroprévalence n’a été réalisée », précise Simon Cauchemez, responsable de l’unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses[1] à l’Institut Pasteur et co-auteur principal de l’étude.

Ce modèle peut être utilisé au niveau national pour prédire la probabilité qu’une personne décède de la Covid-19 après une infection, selon son âge. Il permet également d’estimer le nombre total d’infections d’un pays en fonction du nombre de décès dus à la Covid-19 dans les différents groupes d’âge, ce qui est particulièrement utile dans les endroits où aucune étude de séroprévalence n’a été menée.

En se basant uniquement sur les données de décès des moins de 65 ans, les plus représentatives de la transmission en population générale, les chercheurs estiment qu’au 1er septembre de cette année, une moyenne de 5 % de la population des pays étudiés a été infectée par le SARS-CoV-2. Toutefois, dans certains endroits, ce chiffre était beaucoup plus élevé, notamment en Amérique du Sud.

Même en excluant les données concernant les plus de 65 ans, le modèle montre que les taux de mortalité par Covid-19 ne sont pas forcément similaires entre pays, potentiellement du fait de « comorbidités ». Par exemple, les personnes vivant en Slovénie ou au Danemark semblent avoir une probabilité de décès suite à une infection par le SARS-CoV-2 plus faible que celle mesurée à New York, même après avoir corrigé des différences d’âge de leurs populations.

Ce travail montre que les données de mortalité par groupe d’âge peuvent être utilisées pour déterminer le niveau réel d’infection par le SARS-CoV-2 dans un pays et son évolution dans le temps. Cette approche pourrait être appliquée à l’échelle régionale, et pourrait être particulièrement utile dans des contextes où de grandes études de séroprévalence ne peuvent pas être réalisées.


[1] Laboratoire Génomique évolutive, modélisation et santé (GEMS, Institut Pasteur/CNRS)


Source

Age-specific mortality and immunity patterns of SARS-CoV-2 infection in 45 countries, Nature, 2 novembre 2020

Megan O’Driscoll1,2, Gabriel Ribeiro Dos Santos1,2, Lin Wang1,2, Derek A.T. Cummings3, Andrew S. Azman4,5, Juliette Paireau2,6, Arnaud Fontanet6,7, Simon Cauchemez2*, Henrik Salje1,2*

1. Department of Genetics, University of Cambridge, Cambridge, UK

2. Mathematical Modelling of Infectious Diseases Unit, Institut Pasteur, UMR2000, CNRS, Paris, France

3. Department of Biology and Emerging Pathogens Institute, University of Florida, Florida, USA

4. Department of Epidemiology, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, Baltimore, USA  

5. Unit of Population Epidemiology, Division of Primary Care Medicine, Geneva University Hospitals, Geneva, Switzerland

6. Emerging Infectious Diseases Unit, Institut Pasteur, Paris, France

7. PACRI unit, Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris, France

* : Ces auteurs ont contribué équitablement à ce travail.

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