Un important rebond « post-Covid » de la méningite à méningocoques

Communiqué de presse
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Grâce à la base de données du Centre national de référence des méningocoques, une équipe de scientifiques de l’Institut Pasteur a pu retracer l’évolution des cas de méningite à méningocoques en France entre 2015 et 2022 et mettre en évidence un rebond sans précédent de la maladie après l’arrêt des mesures sanitaires mises en place pendant l’épidémie de Covid-19. Si les nouveaux cas déclarés sont majoritairement liés à des groupes de méningocoques qui étaient moins fréquents avant la pandémie, ils concernent également désormais davantage les 16-24 ans. Des résultats publiés dans la revue Journal of Infection and Public Health le 12 octobre 2023, qui devraient aider à adapter la stratégie vaccinale de cette maladie mortelle.

Lors de l’épidémie de Covid-19, les gestes barrières comme le port du masque et la distanciation physique sociale ont eu des conséquences positives sur les infections respiratoires. Ce fut le cas pour la méningite à méningocoques qui a vu son nombre de contaminations chuter de plus de 75 % en 2020 et 2021. Mais qu’allait-il se passer à la sortie de la pandémie, lorsque les mesures de protection s’assoupliraient ? « Pendant la pandémie de Covid-19, deux hypothèses ont émergé, retrace Muhamed-Kheir Taha, co-auteur principal de l’étude et responsable de l’unité Infections bactériennes invasives et du Centre national de référence des méningocoques à l’Institut Pasteur. La première consistait à dire que cet effet positif perdurerait, et que le méningocoque s’arrêterait de circuler sur le long terme. La seconde hypothèse allait dans le sens d’une reprise rapide de l’activité des bactéries face à une population naïve, qui n’avait plus été en contact avec elles pendant une longue période ». C’est ainsi qu’une équipe de scientifiques de l’Institut Pasteur a décidé d’étudier de près l’évolution de la maladie entre 2015 et 2022, et a confirmé la seconde hypothèse.

Grâce aux échantillons du Centre national de référence des méningocoques – qui répertorie tous les cas de méningite à méningocoques en France depuis 1980 – les chercheuses et chercheurs ont pu revisiter cette période de pandémie. Le premier constat fut sans appel. « La méningite à méningocoques a connu un rebond sans précédent à l’automne 2022, avec aujourd’hui, à l’automne 2023, un nombre de cas supérieur à la période qui a précédé la pandémie de Covid-19 », résume Samy Taha, premier auteur de l’étude et chercheur dans l’unité Infections bactériennes invasives à l’Institut Pasteur. Si 298 cas ont été enregistrés entre janvier et septembre 2019, 421 cas ont déjà été répertoriés entre janvier et septembre 2023, soit une augmentation de 36 % des cas, alors même que le pic hivernal n’a pas encore eu lieu. Ce chiffre était de 53 cas pour la même période en 2021.  À cela, deux explications principales : une diminution de l’immunité générale suite à la diminution de la circulation des souches, mais aussi à la baisse de la vaccination, qui a chuté de 20 % pour la vaccination contre le méningocoque C lors du premier confinement par exemple. Ainsi la population est redevenue naïve face à des bactéries en constante évolution, leur génome étant particulièrement variable.

« Par ailleurs, les méningocoques des groupes W et Y sont apparus beaucoup plus nombreux que les autres après la pandémie, poursuit Ala-Eddine Deghmane, co-auteur principal de l’étude et responsable adjoint du Centre national de référence des méningocoques à l’Institut Pasteur. Et si toutes les catégories d’âge sont concernées, il s’avère que les plus touchées par cette nouvelle vague de méningites sont les jeunes de 16 à 24 ans ». Autrement dit, les souches bactériennes de méningocoques aujourd’hui responsables de méningites ne sont plus les mêmes que celles qui circulaient avant la pandémie et elles ciblent plus de tranches d’âge différentes. « C’est un peu comme si, avec l’épidémie de Covid-19, l’ensemble du système avait été réinitialisé. », illustre Samy Taha.

Cette recrudescence de la méningite pourrait bien s’amplifier dans les mois à venir avec l’épidémie de grippe saisonnière. En effet, le virus de la grippe crée un contexte favorable au développement des bactéries méningocoques. Par ailleurs, tous les grands rassemblements sont propices aux contaminations de manière générale et à la propagation de la méningite à méningocoques en particulier.

Aujourd’hui en France, seule la vaccination contre le méningocoque de groupe C est obligatoire, la vaccination contre le méningocoque B étant simplement recommandée chez les nourrissons. Mais il n’existe pas encore de recommandations en population générale contre les groupes Y et W. Les chercheuses et chercheurs sont donc en lien avec la Haute autorité de santé pour contribuer à adapter la stratégie vaccinale à venir. « Si le vaccin tétravalent ciblant les méningocoques de groupes A, C, Y et W était recommandé auprès des adolescents, cela permettrait de les protéger directement mais aussi de protéger indirectement les autres catégories de la population. », souligne Ala-Eddine Deghmane. Les adolescents sont en effet les premiers porteurs sains du méningocoque. « Et il ne faut pas oublier que sans traitement, les méningites bactériennes sont quasiment mortelles à 100 % et même correctement traitées, la mortalité reste de 10%. Cela souligne l’importance de la prévention vaccinale. », conclut Muhamed-Kheir Taha.


Source :

The rapid rebound of invasive meningococcal disease in France at the end of 2022, Journal of Infection and Public Health, 12 octobre 2023
Samy Taha, Eva Hong, Mélanie Denizon, Michael Falguières, Aude Terrade, Ala-Eddine Deghmane, Muhamed-Kheir Taha
Invasive Bacterial Infections Unit and National Reference Center for Meningococci and Haemophilus influnezae, Institut Pasteur, Université Paris Cité, France

https://doi.org/10.1016/j.jiph.2023.10.001

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