Comment le microbiote bloque les allergies

Communiqué de presse
|

Notre organisme est peuplé de cent mille milliards de bactéries vivant en symbiose et  dont la diversité constitue un microbiote unique à chacun. Impliquées dans la digestion, la synthèse de vitamines, ou encore la défense de leur hôte, il est connu que l’absence de bactéries favorise le développement d’allergies. Les chercheurs de l’Institut Pasteur sont parvenus à expliquer ce phénomène et montrer comment le microbiote agit sur l’équilibre du système immunitaire : la présence de microbes bloque spécifiquement les cellules immunitaires responsables du déclenchement des allergies. Ces résultats sont publiés dans Science le 9 juillet 2015.

Comment le microbiote bloque les allergies

Dans le colon de souris, un amas de cellules de type 3 (en vert). Ces cellules sont induites par le microbiote et bloquent les réactions allergiques (de type 2). © Institut Pasteur

La théorie hygiéniste[1] suggère un lien entre l’augmentation de la prévalence des maladies allergiques dans les pays industrialisés, et une baisse de l'incidence des maladies infectieuses dans ces pays. L’amélioration du niveau d’hygiène entraîne une diminution des contacts avec les microbes au cours de l’enfance. On constate que ces populations présentent plus d’allergies ou de maladies auto-immunes, comme le diabète de type 1 par exemple.

 

Depuis, des études épidémiologiques ont soutenu cette hypothèse en montrant que les enfants vivant au contact d’animaux fermiers et donc de plus d’agents microbiens, développent moins d’allergies au cours de leur vie. A l’inverse, de manière corrélée, d’autres études ont prouvé que les souris traitées dès les premiers jours de leur vie par des antibiotiques détruisant une partie de leur microbiote, développent une plus grande sensibilité aux allergies.

 

Mais jusqu’à présent les mécanismes biologiques sous-jacents n’avaient pas été élucidés. Dans cette étude publiée dans Science, l’équipe de Gérard Eberl (chef de l’unité Microenvironnement et Immunité à l’Institut Pasteur) a démontré chez la souris comment les microbes qui vivent en symbiose dans l’intestin agissent sur le système immunitaire pour bloquer les réactions allergiques.

 

Plusieurs types de réponses immunitaires sont orchestrés pour défendre l’organisme. En la présence de microbes de type bactéries ou champignons, les cellules immunitaires sollicitées sont nommées de type 3. Ces cellules immunitaires s’organisent pour phagocyter et tuer les microbes. En revanche, lors d’une infection par des agents pathogènes de trop grande taille (des vers parasites, ou certains allergènes) ce sont les cellules immunitaires de type 2 qui interviennent pour expulser le pathogène, ou créer une allergie.

 

Les chercheurs de l’Institut Pasteur ont montré dans cette étude que les cellules du type 3 sollicitées lors de l’agression de microbes agissent directement sur les cellules du type 2 pour bloquer leur action. Ainsi, les cellules de type 2 ne peuvent pas entreprendre de réactions immunitaires allergiques. Ces travaux révèlent donc que le microbiote régule indirectement les réponses immunitaires de type 2 par l’induction des cellules de type 3.

 

Ces résultats expliquent que le moindre déséquilibre dans la diversité du microbiote peut provoquer une réponse exacerbée de l’immunité de type 2 qui protège contre les gros parasites, mais peut aussi se traduire en réponses allergiques.

 

Ces résultats de recherche représentent une étape importante dans la compréhension de l’équilibre entre les différents mécanismes de défense du système immunitaire. Pour soigner les allergies, la piste thérapeutique qu’il reste encore à explorer consisterait alors à stimuler les cellules de type 3 en imitant l’antigène d’un microbe, afin que ces cellules bloquent les cellules de type 2 responsables des allergies.

  

Ces travaux ont été soutenus par l’Agence Nationale de la Recherche, la Fondation de la Recherche Médicale, la Fondation Simone e Cino Del Duca, la Commission Européenne et le Laboratoire d’Excellence « Inegrative Biology of Emerging Infectious Dieases ».

 

 


Source

The microbiota regulates type 2 immunity through RORgt+ T cells, Science, 09 juillet 2015

Caspar Ohnmacht1*, Joo-Hong Park1*, Sascha Cording1, James B. Wing2, Koji Atarashi3,4, Yuuki Obata5, Valérie Gaboriau-Routhiau6,7,8, Rute Marques1, Sophie Dulauroy1, Maria Fedoseeva9, Meinrad Busslinger10, Nadine Cerf-Bensussan6,7, Ivo G. Boneca11,12, David Voehringer13, Koji Hase5, Kenya Honda3,14, Shimon Sakaguchi2,15, Gérard Eberl1

1 Institut Pasteur, Microenvironment & Immunity Unit, 75724 Paris, France
2 Laboratory of Experimental Immunology, Immunology Frontier Research Center, Osaka University, Suita 565-0871, Japan
3 RIKEN Center for Integrative Medical Sciences (IMS-RCAI), Yokohama, Kanagawa 230-0045, Japan
4 PRESTO, Japan Science and Technology Agency, Saitama 332-0012, Japan
5 The Institute of Medical Science, The University of Tokyo, Tokyo 108-8639, Japan
6 INSERM, U1163, Laboratory of Intestinal Immunity, Paris, France
7 Université Paris Descartes-Sorbonne Paris Cité and Institut Imagine, Paris, France
8 INRA Micalis UMR1319, Jouy-en-Josas, France
9 Center of Allergy and Environment (ZAUM), Technische Universität and Helmholtz Zentrum München, Munich, Germany
10 Research Institute of Molecular Pathology, Vienna Biocenter, 1030 Vienna, Austria
11 Institut Pasteur, Biology and Genetics of Bacterial Cell Wall, 75724 Paris, France
12 INSERM, Groupe Avenir, 75015 Paris, France
13  Department of Infection Biology at the Institute of Clinical Microbiology, Immunology and Hygiene, University Clinic Erlangen and Friedrich-Alexander University Erlangen-Nuremberg, 91054 Erlangen, Germany
14 CREST, Japan Science and Technology Agency, 4-1-8 Honcho Kawaguchi, Saitama 332-0012, Japan
15 Department of Experimental Pathology, Institute for Frontier Medical Sciences, Kyoto University, Kyoto 606-8507, Japan.
* Ces auteurs ont contribué équitablement à ce travail.
‡ Auteur principal

 

 

[1] J. F. Bach, The effect of infections on susceptibility to autoimmune and allergic diseases. N Engl J Med 347, 911 (2002).

Retour en haut