Cancer et microbes

Identifier et combattre les facteurs de risque de développement tumoral

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Au moins 30 % des cancers sont liés à des facteurs de risque identifiés. Plus d’un cancer sur 6 dans le monde est d’origine infectieuse. Aujourd’hui, les chercheurs de l’Institut Pasteur exploitent leurs travaux sur les agents pathogènes cancérigènes pour développer de nouvelles stratégies de lutte contre les cancers dont ils sont à l’origine. Ainsi, le vaccin contre l’hépatite B mis au point à l’Institut Pasteur a évité des centaines de milliers de cas de cancer du foie dans de nombreux pays. La quête de nouveaux vaccins contre les agents pathogènes cancérigènes constitue donc un axe majeur de recherche. Des découvertes récentes indiquent, par ailleurs, que certains microbes ou composés d’origine microbienne représentent des facteurs de risque, tandis que d’autres seraient bénéfiques et amélioreraient l’efficacité des traitements anticancéreux existants, comme la chimiothérapie ou les immunomodulateurs. Les chercheurs de l’Institut Pasteur étudient, par conséquent, les bases moléculaires sous-tendant les effets du microbiome afin d’identifier et d’atténuer voire d’éliminer les facteurs de risque.

Département Biologie cellulaire et infection

Jost Enninga

L’équipe de Jost Enninga étudie la formation de niches intracellulaires de pathogènes bactériens, tels que les salmonelles et shigelles. Ces pathogènes sont connus pour interagir avec d’importantes voies cellulaires de l’hôte, impliquées dans la transformation cellulaire et le développement du cancer. Les chercheurs tentent d’expliquer pourquoi seules quelques sous-populations de bactéries infectieuses interfèrent avec les événements particuliers associés au cancer. Ils pourront ainsi mieux comprendre les liens entre cancer de l’intestin et pathogènes d’origine alimentaire.

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Pascal Pineau

L’équipe de Pascal Pineau participe à un projet collaboratif (IRD, INEN) sur le carcinome hépatocellulaire chez les enfants et adolescents du Pérou. Dans cette population d’ascendance amérindienne, des tumeurs massives sont induites en l’absence de lésions hépatiques concomitantes malgré la présence constante d’une infection furtive au virus de l’hépatite B. Les spectres de mutation de ces tumeurs sont différents de ceux d’autres cancers du foie, et l’analyse multi-omique a révélé une signature moléculaire unique. Ce groupe tente actuellement d’identifier le ou les facteurs de risque qui, associés au virus de l’hépatite B, pourraient expliquer cette présentation tumorale singulière. Parallèlement, Pascal Pineau coordonne un projet avec les instituts Pasteur d’Iran et du Maroc sur le rôle du microbiote intestinal dans la tumorigenèse du foie.

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Agathe Subtil

Les interactions hôte-pathogène éclairent les remaniements métaboliques qui interviennent pendant la tumorigenèse.

Certaines bactéries très particulières, appelées bactéries intracellulaires car elles se multiplient dans une cellule « hôte », ont développé des mécanismes d’adaptation du métabolisme de cet hôte à leurs besoins spécifiques. Le projet de cette unité s’appuie sur l’idée qu’une partie de ces modifications sont identiques à celles survenant lors de la tumorigenèse, et qu’elles ne visent pas, là, à soutenir la croissance bactérienne mais à alimenter la prolifération rapide des cellules cancéreuses. L’étude de l’activité d’une enzyme humaine activée dans de nombreux cancers, appelée transglutaminase 2, a permis d’en apporter la preuve de concept. Cet axe de recherche se poursuit avec la comparaison des conséquences de l’activation de la transglutaminase 2 dans des cellules infectées par Chlamydia trachomatis et dans des cellules cancéreuses ovariennes.

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Département Immunologie

Gérard Eberl

Régulation de la sensibilité au cancer par le microbiote précoce​

La colonisation de l’intestin par le microbiote entraîne une réponse immunitaire vigoureuse appelée réaction de sevrage. Plus tard, cette réaction régule la réactivité du système immunitaire et la sensibilité aux pathologies inflammatoires. En l’absence de microbiote au sevrage, une inflammation excessive se développe chez l’adulte, augmentant sensiblement l’incidence du cancer colorectal. Cette unité étudie les mécanismes produisant cette inflammation excessive et conçoit des outils afin d’inhiber la dérégulation du système immunitaire et ses conséquences sur le développement du cancer.

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Département Microbiologie

Emmanuel Lemichez

Toxines bactériennes et cancer. Définir l’implication de profils toxiniques du microbiome dans l’évolution péjorative des tumeurs coliques en vue d’établir des stratégies prophylactiques et définir des approches thérapeutiques ciblées représente un formidable enjeu en santé publique.

L’équipe d’Emmanuel Lemichez étudie en particulier les toxines bactériennes activatrices des GTPases pro-oncogéniques Rho, comprenant le facteur CNF1 produit par certaines souches d’E. coli. Ils ont montré que CNF1 catalyse une réaction spécifique de déamidation, c’est-à-dire réalisant la mutation d’une glutamine clé des GTPases Rho en acide glutamique, leur conférant un gain de fonction pro-oncogénique (Flatau 1997 Nature). Ils ont montré que les formes sur-activées des petites GTPases Rho sont normalement dégradées par le système ubiquitination protéasome, une régulation fréquemment perdue dans les cellules cancéreuses (Doye 2002 Cell ; Torrino 2011 Dev Cell ; Zhang 2016 Mol Cell). L’étude dans le contexte de l’étiologie du cancer colorectal de ces déamidases, largement répandues dans les génomes de protéobactéries, couplée à celle des E3 ligases contrôlant la dégradation des GTPases doit permettre d’identifier de nouveaux suppresseurs de tumeur et de mieux comprendre l’incidence élevée des cancers colorectaux dans les pays industrialisés pour lesquels on observe une forte prévalence de souches pathogènes d’E. coli.

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Eliette Touati

Infection à Helicobacter pylori et cancer gastrique

Les projets de cette équipe s’articulent autour des relations entre l’infection et le cancer, utilisant comme système modèle l’infection à Helicobacter pylori et le cancer gastrique. Ils en abordent à la fois les aspects fondamentaux et cliniques. Les chercheurs ont pour objectif de caractériser les événements précoces responsables du déclenchement / favorisant la cancérisation gastrique pendant l’infection à H. pylori. Ils s’intéressent tout particulièrement aux mécanismes à l’origine d’instabilités génétiques et d’une dérégulation épigénétique dans les cellules hôtes et à leurs conséquences sur les activités génotoxiques et oncogènes de l’infection. Récemment, cette équipe a identifié un facteur de transcription, USF1 dérégulé par H. pylori et dont le faible niveau d’expression est associé à un mauvais pronostic chez les patients atteints de cancer gastrique (Costa et al 2020). Parallèlement, ils développent des approches translationnelles avec des cliniciens pour caractériser des candidats biomarqueurs sanguins destinés au dépistage précoce et à la prévention du cancer gastrique.

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Patrick Trieu-Cuot / Shaynoor Dramsi

Infection à Streptococcus gallolyticus et cancer colorectal

Cette équipe propose un projet de recherche basé sur un modèle bactérien cliniquement pertinent, Streptococcus gallolyticus (anciennement S. bovis biotype I), une cause émergente de septicémie et d’endocardite infectieuse chez les personnes âgées, dont des études épidémiologiques associent la présence au cancer colorectal depuis près de quarante ans.

Ce groupe a récemment montré que les conditions spécifiques du cancer colorectal augmentaient la colonisation intestinale par S. gallolyticus d’un facteur de 1 000 chez les souris Notch/APC et que cet avantage compétitif intervenait au détriment des entérocoques, des constituants commensaux du microbiote intestinal (Aymeric et al., 2018). Il a récemment obtenu des données prometteuses indiquant que S. gallolyticus pouvait accélérer le développement de tumeurs intestinales chez les souris APCMin (Pasquereau et al., non publié). Il en étudie actuellement les mécanismes potentiels via des analyses transcriptomiques, protéomiques et histologiques. L’altération des réponses normales de l’hôte, comme l’inflammation, l’apoptose et la prolifération cellulaire figurent parmi les mécanismes favorisant l’oncogenèse induite par les bactéries. Les bactéries peuvent également accentuer le risque de cancer par la production de métabolites secondaires, tels que les intermédiaires réactifs de l’oxygène, ou impacter directement la transformation cellulaire en produisant des toxines oncogènes (CDT, colibactine, BFT, etc.).

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Département Virologie

Pierre Charneau / Yu Wei

Infection par le virus de l’hépatite B et inflammation du foie dans l’hépatocarcinogenèse

Les chercheurs de cette équipe s’intéressent principalement à l’interaction hôte-pathogène au cours de l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) et l’inflammation du foie. L’infection par le VHB peut être à l’origine d’une hépatite B chronique, elle-même étroitement associée au développement du carcinome hépatocellulaire (CHC). L’inflammation occupe une place centrale dans l’hépatologie, notamment du CHC. Ce groupe utilise des modèles cellulaires et murins ainsi que des échantillons cliniques pour étudier le rôle de l’autophagie sélective dans l’infection par le VHB, en s’attardant sur les activités des récepteurs de l’autophagie. Il examine les fonctions des cellules T folliculaires auxiliaires (Tfh) et de l’IL-17 dans l’inflammation du foie et dans l’hépatocarcinogenèse associée.

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Antoine Gessain

Épidémiologie des virus oncogènes (par exemple HHV-8/KSHV et HTLV)

Étude de la prévalence, de la diversité génomique et des modes de transmission des virus oncogènes à travers le monde (Afrique centrale, Australo-Mélanésie, Amérique du Sud). Étude des mécanismes de l’évolution. Cette équipe a été la première à mettre en évidence une recombinaison chez HTLV-1.

Étude de la transmission zoonotique de virus oncogènes (différents génotypes moléculaires de HTLV-1)

Transmission de l’oncorétrovirus HTLV de la mère à l’enfant (par l’allaitement)

HTLV-1 est l’agent étiologique de la leucémie-lymphome T de l’adulte (LAT), une lymphoprolifération très grave qui apparaît chez les individus infectés dans l’enfance. Ce groupe étudie, par conséquent, le mécanisme de dissémination du virus à travers la barrière intestinale, susceptible de se produire en cas d’allaitement à long terme d’une mère infectée par le HTLV-1. En outre, il développe, en collaboration avec des groupes de recherche de l’Institut Necker, de l’AP-HP et de l’Institut Curie (chercheurs principaux : Vahid Asnafi, Olivier Hermine et Jacques Ghysdael), un modèle murin de xénogreffes basé sur des cellules LAT de patients afin de tester les mécanismes de la leucémie et l’efficacité de nouvelles approches thérapeutiques.

Altération du microenvironnement au cours de l’infection par HTLV-1

Le cancer se développe souvent au sein d’un microenvironnement pro-tumoral favorable. Cette équipe étudie les altérations du microenvironnement survenant lors d’une infection par HTLV. Elle s’est intéressée à l’importance du leucotriène B4 dans la propagation virale et se concentre désormais sur le rôle des vésicules extracellulaires (exosomes) dans l’oncogenèse.

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