Dengue : comprendre les mécanismes permettant de ne pas développer les symptômes suite à une infection

Communiqué de presse
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Des chercheurs de l’Institut Pasteur à Paris et de l’Institut Pasteur du Cambodge, en collaboration avec des équipes du CNRS et d’Inria, ont démontré que l’infection par la dengue chez des enfants asymptomatiques est associée à une activation du système immunitaire utilisant des mécanismes de contrôle qui permettent d’éliminer l’infection virale sans activation excessive de l’immunité. Cette étude, publiée dans le journal scientifique Science Translational Medicine le 30 août 2017, représente une étape importante vers une meilleure connaissance du rôle joué par l’immunité dans l’infection virale de la dengue. Elle devrait permettre de développer de nouvelles stratégies vaccinales contre cette maladie.

 

La dengue, aussi appelée « grippe tropicale » continue à progresser de manière très importante à travers le monde, ce qui inscrit aujourd’hui cette infection aux rangs des maladies ré-émergentes. L’OMS estime à 50 à 100 millions le nombre de cas annuels, dont 500 000 cas de dengue sévère nécessitant une hospitalisation, avec une issue mortelle dans 2,5% des cas. Environ 50% de la population mondiale vit dans des zones à risque d’infection. Initialement présente dans les zones tropicales et subtropicales du monde, la dengue touche désormais l’Europe. Depuis l’année 2014, 18 départements français sont concernés.

La dengue est une maladie virale transmise à l’homme par des moustiques du genre Aedes. Les souches du virus de la dengue se répartissent en quatre sérotypes distincts : DEN-1,
DEN-2, DEN-3 et DEN-4. L’immunité acquise en réponse à l’infection par l’un des sérotypes confère une immunité protectrice contre le sérotype infectant mais pas contre les autres sérotypes. Un individu est donc susceptible d’être infecté par chacun des quatre sérotypes de la dengue. De plus, des infections ultérieures par d’autres sérotypes accroissent le risque de développer une dengue sévère, dite hémorragique.

Il n‘existe pas actuellement de traitement spécifique contre l’infection du virus de la dengue. Le seul vaccin commercialisé n’est que partiellement efficace contre les infections par les 4 sérotypes du virus même s’il réduit le risque de forme sévère de la maladie. Il n’est par ailleurs pas administrable chez les enfants de moins de 9 ans et son schéma vaccinal en 3 doses est peu adapté pour les voyageurs.

Malgré 50 années de recherche, les mécanismes physiopathologiques entrainant une évolution vers une forme clinique sévère de la dengue chez certains patients ne sont pas encore élucidés avec précision. Ces mécanismes sont complexes, impliquant à la fois des facteurs immunologiques, génétiques et viraux. Le risque accru de développer des symptômes sévères lors d’une infection secondaire a été associé à la présence d’anticorps non neutralisants, qui augmenteraient l’infection au lieu de la bloquer.

Certains individus infectés sont asymptomatiques, et ne présentent aucun symptôme, ce qui les rend intéressants à étudier, mais il est très difficile de les identifier pour les inclure dans des études exploratoires.

Afin d’identifier les mécanismes internes de contrôle de l’infection par le virus de la dengue chez les patients asymptomatiques, des chercheurs de l’Institut Pasteur à Paris, de l’Institut Pasteur du Cambodge, du CNRS et d’Inria ont comparé la composition du sérum plasmatique et le profil d’expression génique chez des enfants cambodgiens infectés par le virus de la dengue, mais asymptomatiques, avec ceux de patients présentant des signes cliniques.

De manière surprenante, leurs travaux révèlent que les patients sans signes cliniques ont une réponse immunitaire contrôlée, dans laquelle la présentation des antigènes est accrue, mais associée à une activation mesurée des lymphocytes T et à une production plus modérée d’anticorps, en comparaison avec les patients présentant des signes cliniques. 

Comme le souligne Anavaj Sakuntabhai, directeur de l’unité de Génétique fonctionnelle des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur à Paris, qui a co-supervisé ces travaux : « Les travaux de recherche s’intéressent habituellement à étudier les patients malades. En explorant des patients infectés mais asymptomatiques, cette étude aide à comprendre les mécanismes qui permettent  de ne pas développer les symptômes suite à une infection. Ceci invite à revisiter la composition des vaccins pour mieux prévenir les infections. » Tineke Cantaert de l’Institut Pasteur du Cambodge ajoute : « Ces résultats ont été obtenus grâce à des financements européens et permettront le développement de stratégies innovantes pour de futurs vaccins. Nous travaillons à la poursuite de ces résultats et continuons d’étudier en détail la réponse immunitaire des enfants cambodgiens asymptomatiques. »

Les résultats de cette étude originale ouvrent la voie à de nouvelles pistes de recherche afin de développer un vaccin contre le virus de la dengue pouvant conférer une immunité protectrice plus complète contre les quatre sérotypes du virus de la dengue et prévenir également la transmission de cette maladie qui constitue une véritable menace à travers le monde.

PHOTO : Cellules neuronales murines infectées par le virus de la dengue type 1. Image colorisée, le virion est en vert. © Institut Pasteur.

 


 

Source

Increased adaptative immune responses and proper feedback regulation protect against clinical dengue, Science Translational Medicine, 30 août 2017

Etienne Simon-Lorière (1,2), Veasna Duong (3), Ahmed Tawfik (1,2), Sivlin Ung (4), Sowath Ly (5), Isabelle Casadémont (1,2), Matthieu Prot (1,2), Noémie Courtejoie (1,2), Kevin Bleakley (6,7), Philippe Buchy (3,8), Arnaud Tarantola (5,8), Philippe Dussart (3), Tineke Cantaert (4), Anavaj Sakuntabhai (1,2)

1 Functional Genetics of Infectious Diseases Unit, Department of Genomes and Genetics,

Institut Pasteur, 75015 Paris, France.
2 CNRS, Unité de Recherche Associée 3012, 75015 Paris, France.
3 Virology Unit, Institut Pasteur du Cambodge, International Network of Pasteur Institutes, 12201 Phnom Penh, Cambodia.
4 Immunology Group, Institut Pasteur du Cambodge, International Network of Pasteur Institutes, 12201 Phnom Penh, Cambodia.
5 Epidemiology and Public Health Unit, Institut Pasteur du Cambodge, International Network of Pasteur Institutes, 12201 Phnom Penh, Cambodia.

6 INRIA Saclay, 91120 Palaiseau, France.
7 Département de Mathématiques d’Orsay, AQ2 91400 Orsay, France.
8 GlaxoSmithKline (GSK) Vaccines, 637421 Singapore, Singapore.

DOI : 10.1126/scitranslmed.aal5088

 

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